Réforme du collège: un maillon d’un système en péril

Publié le par MS21

Une belle manifestation le 19 mai 2015

Une belle manifestation le 19 mai 2015

La réforme du collège portée par la ministre de l’EN, Najat Vallaud Belkacem a été adoptée par le conseil supérieur de l’éducation le 10 avril 2015 .

Le décret d'application de la réforme a été publié au journal officiel le 20 mai au lendemain de la journée de protestation des enseignants. Cette précipitation en dit long sur la volonté réelle de concertation du gouvernement. « Une faute politique » selon le SNES, principal syndicat du secondaire.

Le texte a soulevé de nombreuses critiques et la montée d’une très large opposition dans le pays autant du côté des personnels et des syndicats que des politiques...

Cette réforme était pour l’essentiel déjà encadrée par la loi d’orientation de «refondation» elle-même très contestée car jugée porteuse d’inégalités, de mise en concurrence, de soumission à l’entreprise et de dégradation des conditions de travail des personnels.

L’autonomie au service de qui?

Le projet de «collège 2016» accentuerait encore les inégalités, augmenterait l’autonomie des chefs d’établissement, induisant une concurrence toujours plus grande entre enseignants, équipes, disciplines et établissements tout en multipliant des hiérarchies intermédiaires, dans la continuité des réformes statutaires sur les missions et services.

Le projet ministériel modifie l’organisation des enseignements et des disciplines sans que les personnels aient pu en débattre.

Il comporte des modifications importantes du temps scolaire, de l’organisation disciplinaire des enseignements, de la pédagogie. La rénovation du collège s’inscrit dans le cadre de la loi d’orientation, donc dans le cadre d’une programmation budgétaire insuffisante.

Elle reprend des orientations combattues par une majorité de personnels, comme le socle commun et la logique des compétences, ainsi que l’autonomie des établissements.

Haro sur les disciplines

Depuis une vingtaine d’années on assiste à un tir de barrage contre les disciplines scolaires. Soit disant cloisonnées, elles se contenteraient d’empiler des connaissances, elles ne permettraient pas une vision globale du système et de l’élève. Ainsi refait surface l’idée d’enseignants polyvalents ou celle de n’évaluer que des compétences, notamment transversales. Cette attaque contre les savoirs enseignés vise à imposer une «autonomie des établissements», là aussi contre le cadre national.

Il ne faut guère se faire d’illusions sur la conception gouvernementale de «l’autonomie» des établissements (de la maternelle à l’université en passant par le collège). Il ne s’agit en rien de stimuler l’initiative des équipes pédagogiques locales – de plus en plus limitée au fil des réformes - mais au contraire, de briser la cohésion nationale.

La réforme prévoit d’éclater le cadre national des horaires en donnant aux établissements le pouvoir de moduler la répartition des heures par disciplines et par année. Le chef d’établissement disposera ainsi d’un nouvel « outil de management ».

Avec la modulation des horaires suivant les classes, il sera encore plus simple de faire un collège à plusieurs vitesses et d’aggraver son rôle de triage dans l’orientation.

La réforme prévoit d’instaurer de 3 à 4 heures d’ Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI). Cette innovation se fait au détriment des heures d’enseignement des disciplines, jugées par la ministre «contre- productives et ennuyeuses»

Derrière ce discours se cache une volonté de réorienter les programmes enseignés, comme cela se fait déjà au lycée (réforme Châtel).

Fini les savoirs rigoureux permettant la construction intellectuelle et critique de l’élève. Place à huit thématiques au goût du jour parmi lesquelles «Développement durable», «Corps santé et sécurité», «Information et communication, citoyenneté» ou encore «Monde économique et professionnel ». L’enseignement de l’histoire s’éloigne de l’acquisition d’un socle commun de connaissances sur l’histoire de la France et du monde.

L’enseignement des langues anciennes sera désormais circonscrit aux EPI, si toutefois des heures y sont allouées par le collège. Dans un cadre général de dotation horaire insuffisante, on peut s’en inquiéter. La restriction du latin menace la maitrise et le rayonnement du français.

Les nouvelles modalités de gestion des heures (au niveau de l’établissement) laissent peser une lourde incertitude sur la diversité des langues enseignées. Par ailleurs, en privant les enfants issus de milieux peu cultivés de l'apport de contenus par l’école elle accroit les inégalités puisque les autres enfants bénéficieront de cet apport dans le cadre familial ou d’écoles privées.

Cette réforme s’inscrit aussi faut-il le rappeler dans une vaste entreprise de démolition d’un cadre national et d’une nouvelle gestion non plus «du» mais «des territoires» avec l’acte III de la décentralisation et la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République). La fusion des régions et les compétences éclatées entre territoires sont ainsi à mettre en lien avec une destruction patiente des services publics où aucun secteur ne sera épargné. (1)

Des moyens pour une école «libératrice»

Le MS21 est solidaire des enseignants et des personnels qui font face chaque jour à des conditions de travail de plus en plus difficiles et qui se battent pour le maintien des programmes disciplinaires nationaux et des diplômes nationaux.

L’augmentation des moyens alloués à l’école de la République, le recrutement sur concours de nouveaux enseignants et personnels fonctionnaires, l’établissement d’une carte scolaire stricte préservant la mixité et la cohésion sociale sont des prérequis pour que le collège prépare l’élève à devenir un homme conscient et instruit et l’invite à développer son esprit critique tout au long d’un parcours se poursuivant au lycée et à l’université.

Une démocratie qui se vide de son sens.

La volonté du gouvernement de passer en force , comme ce fut le cas avec la loi Macron en usant du recours à l'Article 49-3, illustre une fois encore l'effondrement de toute une vision de notre démocratie. Le gouvernement socialiste ne constitue plus qu'un relais des décisions prises par les institutions européennes.

1) La faisabilité politique de l’ajustement: cahier de l’OCDE N°13

http://www.oecd.org/fr/dev/1919068.pdf

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