ENTRE UE et DEMOCRATIE, IL FAUDRA CHOISIR
Le dernier accord survenu en Grèce instaure de fait un processus de colonisation de ce pays par une caste financière. Il éclaire aussi la véritable nature du rapport de forces engagé depuis plusieurs mois entre Syriza et les institutions européennes
Depuis la victoire de Syriza aux élections législatives du 25 janvier et les tentatives d'Alexis Tsipras de résister au diktat de la troïka, les mensonges et les insultes des dirigeants européens, relayés par les médias aux ordres n'ont pas manqué.( Un florilège de propos est rappelé en fin de texte) On se souviendra de la déclaration1 de Michel Sapin sur les positionnements de l'Argentine et du Brésil, au sein du FMI, déclarations immédiatement dénoncées par les deux Etats.2,3 Tout a été bon pour chercher à humilier le peuple grec à travers son Premier Ministre. ( A cet égard on peut lire l'interview de YANIS VAROUFAKIS 4.) Celui-ci montre comment l'accord signé le 13 juillet ouvre un boulevard à ceux qui ont pour projet de faire de la Grèce un « paradis fiscal »: les entreprises transnationales convoitent son patrimoine industriel et ses services publics dont la privatisation est programmée.
Après le referendum
Depuis les résultats du referendum, les propos injurieux à l'égard de la Grèce ont pris un nouveau tour plus qu'inquiétant. Certains portent des soupçons sur la régularité des élections de janvier 2015 et remettent en cause la légitimité du gouvernement Tsipras. Mais n'était-ce pas Antónis Samarás -Nouvelle démocratie, parti conservateur – l'organisateur du scrutin ?
Il fallait remplacer le gouvernement Tsipras «par tous les moyens» ! Arnaud Leparmentier titrait dans le Monde: «Tsipras démission!» propos qui ne surprennent guère de la part de cet « éditocrate » enragé chez qui tout ce qui s'apparente à la gauche est par nature illégitime.
La Commission européenne ne s'est pas gênée pour prendre des contacts avec l'opposition grecque: Yannis Stournaras, gouverneur de la Banque de Grèce, étant même pressenti comme futur Premier ministre.
A croire qu'il fallait préparer l'opinion publique européenne à un renversement du gouvernement légal en Grèce.
La caste des financiers
Finalement le coup de force prend un autre tour! On assiste à un véritable coup d'Etat financier mené par l'Eurogroupe – avec la complicité du gouvernement français prétendument socialiste-. En 1967, les puissances étrangères avaient utilisé les tanks pour en finir avec la démocratie grecque. Aujourd'hui leurs nouvelles armes sont les banques. Il ne s'agit rien de moins que de placer un peuple sous tutelle., en le contraignant à mettre en gage une partie de son patrimoine et en lui interdisant toute décision souveraine. Ainsi, les responsables européens ont-ils pu écrire sans honte cette directive qui rappelle les heures sombres de l’histoire des colonisations «Le gouvernement doit consulter les institutions et convenir avec elles de tout objet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique et au parlement».
Syriza et son rapport de forces avec l’Union Européenne
Si Alexis Tsipras s'est assis à la table des négociations c'est qu'il espérait , en retour, obtenir une annulation substantielle de la dette dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle ne peut pas être remboursée. Mais la Troïka a prouvé quelle était prête à maintenir ses exigences par tous les moyens.
Depuis le 12 juillet, on comprend mieux que le véritable objectif pour les dirigeants de l’Union Européenne n'était pas de résoudre le problème de la dette mais d'interdire à un gouvernement légitime de choisir une autre politique que celle imposée par l'oligarchie financière, et à travers l'exemple de la Grèce de lancer un avertissement voire une menace à tous les peuples européens qui seraient tentés par des voies semblables. Le message adressé au peuple grec s'adresse en réalité aux peuples européens, notamment ceux de l'Europe du Sud qui auraient quelques velléités à vouloir définir leur destin par le jeu des règles de la démocratie et par l'exigence du respect de la souveraineté nationale et populaire. L'Union européenne montre là son vrai visage et le rôle de l'euro : un outil de la guerre de classe, pour imposer la domination du capitalisme financier, pour revenir sur tous les acquis sociaux gagnés par les luttes ouvrières. Dans les années 30 les classes dirigeantes françaises se rangeaient derrière le slogan «plutôt Hitler que le Front populaire», aujourd'hui elles utilisent l'euro contre la souveraineté nationale et populaire, contre la démocratie.
La démonstration est flagrante: le maintien dans l’euro impose sacrifices inouïs et mise sous tutelle (quasi colonisation) d’un peuple qui avait voté à 61% contre l’austérité. Le mythe d’une transformation de l’Europe de «l’intérieur» dans l’intérêt des peuples est en ruine.
Pour les tenants d’une «autre Europe» il faudra en tirer la leçon cruelle.
Le peuple grec est la première victime de cette tragédie mais tous les peuples de l’Union européenne sont concernés d’autant que se profile un renforcement de l’intégration de la zone euro avec un «gouvernement économique» unique.
Le MS21 réaffirme son soutien au peuple grec et défend le droit absolu de celui-ci à exercer sa souveraineté pleine et entière.
Le MS21 dénonce la complicité du gouvernement français que l'histoire jugera: Non ! Mr le Président, François Hollande, ce n'est pas pour asservir un peuple que les citoyens français fidèles aux idéaux hérités de la Révolution française vous ont élu.
Entre la démocratie et l'Union européenne, il faudra choisir. C'est la leçon que nous livre la tragédie grecque.
Notes:
1- http://www.franceinter.fr/emission-interactiv-michel-sapin-6
2- Interrogée par Le Monde diplomatique, Mme del Carmen Squeff dément dans un courriel daté du 30 juin 2015 : « Cette information est totalement inexacte. L’Argentine s’est solidarisée avec la Grèce. D’ailleurs, (…) le ministre [Axel] Kicillof et le chef de cabinet de la présidente Cristina Fernández de Kirchner, M. Aníbal Fernández, ont publiquement soutenu le gouvernement et le peuple grecs, et ont dénoncé les politiques d’ajustement que l’ex-Troïka entend leur imposer. » Invité à réagir, le cabinet du ministre n’a pas souhaité donner suite à notre demande.#st]
3- https://www.youtube.com/watch?v=0Wf-XxLoyrE
Voici ce que l'on pouvait entendre et lire dans les médias français il y a peu:
Dialoguer "avec des adultes" .....Christine Lagarde.
«Athènes n’a fait aucune proposition sérieuse»
«Avant l'élection de Syriza la croissance repartait à la hausse»
«L’ingrédient qui manque le plus au pays, c’est de la gouvernance».... Pascal Lamy
Un "gouvernement de technocrates" en Grèce, nécessaire pour en finir avec "l'ère Syriza", ....Martin Schulz président du Parlement européen.
"Ma confiance dans la volonté de négocier du gouvernement grec a atteint à l'heure actuelle un plus bas absolu", ....le même
«Tsipras, démission»,... éditorial de Arnaud Leparmentier dans le journal Le Monde.
«Il faudra bien que Tsipras paie ses fonctionnaires et ses soldats s'il veut que ceux-ci ne sortent pas des casernes»... M. Gosset, deux fois en 10 minutes sur BFM TV.
«Mariole»... Jean-Pierre Elkabach
«Petit Chaperon rouge du grand soir»... Christophe Barbier
[Tsipras] le forgeron d'une «alliance des rouges-bruns»... Bernard-Henri Lévy
«Lui, il promet, nous on paye» ...Jean-Michel Aphatie
Le défaut grec coûterait aux Français «près de 1000 euros par habitant»... Le Journal du Dimanche.