Fidel Castro est mort
Le gouvernement cubain a invité les chefs d'État et de gouvernement du monde entier à assister à une cérémonie en hommage à Fidel Castro, samedi 3 décembre à Santiago de Cuba. Mais François Hollande a décliné l'invitation. La France a été représentée par Ségolène Royal, ministre, numéro trois du gouvernement français et par Jean-Pierre Bel, ancien président du Sénat. On est en droit de s'interroger sur les raisons de cette différence de traitement entre Cuba et d'autres nations soumises à des régimes politiques qui méprisent pourtant ouvertement les libertés individuelles. Ainsi, en février 2015, François Hollande a assisté aux obsèques du roi Abdallah d'Arabie Saoudite, ce royaume si respectueux des droits de l'Homme où il fait bon vivre surtout quand on est une femme ! Le 30 septembre 2016, Messieurs Hollande et Sarkozy sont allés aux obsèques de Shimon Pérès, compromis dans tous les crimes commis contre le peuple palestinien. A Cuba, l'absence la plus notable fut celle de Barack Obama, ce qui peut nous faire douter de la sincérité des États-Unis dans le « rapprochement » entre les deux pays.
Comme à son habitude quand il s'agit de rendre compte des mouvements d'émancipation en Amérique latine, la presse française s'est déchaînée : le Monde titrait « Fidel Castro icône et tyran » et le 27 novembre, le Journal du dimanche consacrait six pages à l'événement. Dans ces articles, les faits marquants de la vie de Fidel Castro sont autant d'occasion de le présenter comme un tyran. Ainsi, Bernard Kouchner déclare que « tournant le dos aux droits de l'homme, son socialisme tropical n'avait plus de visage humain » et les journalistes ne manquent pas de donner la parole à ces « pauvres exilés obligés de quitter leur île pour fuir la répression de cette féroce dictature ». Pour la romancière cubaine exilée en France, Zoé Valdès, « il faut se souvenir qu’un peuple souffre toujours de cette tyrannie déguisée en révolution ». Pour l'écrivain Jacobo Machover, exilé cubain en France, « le roman révolutionnaire que se sont imaginé les défenseurs du castrisme passe sous silence la violence de l’État cubain ». Plus nuancé est le commentaire de Janette Habel qui salue « l'ancien révolutionnaire devenu despote, qui a régné 50 ans sur Cuba. C’est soit, pour les uns, la Corée du Nord, soit, pour les autres, le paradis socialiste que l’Union soviétique n’a pas pu incarner. Rien de cela ne répond à la complexité de la réalité cubaine ». Mais la palme revient à Michel Onfray (1) qui déverse un flot de propos stupides et de mensonges haineux contre Castro dans un communiqué sur le point.fr. De plus, il moque Jean Luc Mélenchon qui a appelé à un rassemblement dès samedi soir à Paris, au pied de la statue de Simon Bolivar.
Pourquoi certains affirment-ils que Fidel Castro fut un tyran et le régime cubain une dictature ? Pourquoi cette idée fausse, si largement répandue, que Cuba vit sous « la main de fer des Castro » ?
Cette désinformation a été véhiculée par les grands médias, par l'association Reporters sans frontières fondée par Robert Ménard, par le gouvernement des États-Unis qui voue une haine profonde envers son voisin, par la communauté cubaine anti-castriste vivant à Miami ; désinformation reprise en boucle par toutes les agences de presse internationales. Cette désinformation repose sur un sophisme : nous sommes en démocratie – n'en doutez pas ! – or, les Cubains ont adopté un autre mode d'organisation sociale, donc les Cubains sont dans une dictature ! CQFD. Il est vrai que leur système électoral est très différent du nôtre, le vote est secret et non obligatoire et tous les Cubains en âge de voter sont inscrits automatiquement sur les listes électorales. Les élections nationales et provinciales ont lieu tous les cinq ans et les élections municipales tous les deux ans et demi. Le taux de participation est très élevé et l'élu qui ne remplit pas correctement ses obligations peut être révoqué avant la fin de son mandat. Enfin, on critique beaucoup le fait qu'il n'y ait qu'un seul parti politique, le parti communiste. Mais celui-ci ne participe pas aux élections, ne présente pas de candidats. Ceux-ci sont choisis par les citoyens. Cuba est une démocratie qui vit à travers la participation directe de sa population. A tous les niveaux ( municipal, provincial, national) les instances de décision sont collégiales. Peut-on parler de dictature ?
Pourquoi cette haine des États-Unis envers Cuba ?
Cette haine remonte aux premiers jours de la Révolution quand Fidel Castro signe la loi sur la réforme agraire. Cette loi entraîna l'expulsion des grandes compagnies nord-américaines qui possédaient la quasi totalité des terres cultivables, comme la célèbre United Fruit Compagny. Puis sont venues les nationalisations des entreprises du téléphone et de l'électricité, des banques... Les intérêts des États-Unis furent attaqués et on sait que rien ne peut les rendre plus furieux. Cette haine s'est renforcée au fil du temps car les multiples tentatives de l'Empire pour écraser Cuba se sont soldées par des échecs, le plus célèbre étant le fiasco de la Baie des Cochons en avril 1961.
Fidel une « icône » ?
Fidel Castro, jeune avocat en 1949, fut appelé à défendre de pauvres gens menacés d'expulsion pour agrandir la Place Civique (qui deviendra plus tard la Place de la Révolution). Il a gagné leur procès et obtenu un délai d'un mois avant l'expulsion avec une indemnisation de 400 pesos pour chaque famille, une somme considérable à l'époque. A 23 ans, Fidel Castro est déjà très populaire, défenseur des déshérités, ne supportant pas les injustices. On connaît la suite.... le triomphe de la Révolution avec l'entrée victorieuse dans la Havane le 8 janvier 1959. Les Cubains savent tout ce qu'ils doivent à Fidel : leur indépendance et leur dignité. Mais le mythe de Fidel Castro qui perdurera aura été sa capacité à résister aux États-Unis. C'est cette image de résistant contre l'impérialisme états-unien qui a été retenue quand est venue l'heure des hommages. Il faut rappeler que la révolution castriste a été la première et la seule en Amérique Latine à avoir résisté aux tentatives d'écrasement des États-Unis.
L'influence de Fidel Castro fut considérable dans le monde entier, il a apporté son soutien à tous les peuples en lutte : Nicaragua, Vietnam, Chili, Angola, Namibie, Afrique du Sud … Durant plusieurs années, Cuba a organisé et piloté la négociation entre le pouvoir colombien et la guérilla des FARC. Fidel Castro voulait mettre fin à la plus vieille guérilla marxiste en Amérique latine et aujourd'hui la paix est sur le point de se concrétiser – enfin – après plus de cinquante ans de conflits meurtriers.
Le culte officiel de la personnalité est inexistant à Cuba. La plupart de ses interlocuteurs, et même certains de ses adversaires, admettent que Fidel Castro était un homme habité par de nobles aspirations, par des idéaux de justice et d’équité et il a eu cette attitude jusqu'à sa dernière heure. Il a insisté pour que ni son nom ni son visage ne soit utilisé pour nommer des rues, des places, des institutions après sa mort ; ni mausolée ni statue. L'expression « Lider maximo » inventée par on ne sait qui, n'a pas cours à Cuba. Les Cubains parlent de Fidel, tout simplement, comme on parle d'un ami.
Et les droits de l'Homme ?
Cette question arrive immédiatement dès que l'on parle de Cuba... Les droits humains fondamentaux : la santé, l'éducation, un logement décent, un travail sont garantis et respectés à Cuba. Vous ne verrez aucun enfant mendier ni aucune personne dormir dans la rue.
Il y a des dissidents à Cuba et c'est normal mais la dissidence cubaine revêt cette particularité d'être ultra-médiatisée. Pour ce qui est des prisonniers d'opinion, le Ministre des Affaires étrangères déclarait en 2003 : « .... ces personnes ont été arrêtées et condamnées uniquement pour avoir reçu un financement de la part des États-Unis. Ce sont des informateurs de la Section d'Intérêts nord-américains de La Havane, celle-ci ayant pour objectif d'accélérer le développement d'une opposition à Cuba. Dans n'importe quel pays, quiconque s'allie à une puissance étrangère pour subvertir son propre gouvernement, commet un délit. Il y a aussi dans nos prisons des délinquants qui ont posé des bombes dans les hôtels, qui ont participé à des plans de sabotage ». Souvent ces délinquants revendiquent la condition de « prisonniers politiques ». Ne soyons pas naïfs : ces critiques continuelles sur la situation des droits de l'Homme à Cuba permettent de justifier le maintien de l'embargo économique dont l'objectif est d'obtenir un changement politique rapide et total sur l'île. En fait Washington souhaite que Cuba adopte le système d'économie de marché et ouvre ses portes au capitalisme. Avec la disparition de Fidel Castro, certains opposants doivent penser que c'est devenu possible …
(1) https://www.youtube.com/watch?v=cjIh726R8sw