Témoignage et soutien au peuple grec
1- Nos voyages en Grèce et nos impressions
Notre premier voyage en Grèce remonte à 1986. Nous y avions découvert un peuple joyeux, cultivé, s’intéressant à l’actualité internationale et adorant parler politique. Encore marqués par la dictature des colonels, l’élection de François Mitterrand avait suscité chez les Grecs une immense admiration au point que sitôt repérés comme Français, nous étions accueillis chaleureusement (applaudissements, bouteilles de retsina offertes…). A partir de l’année 2000, étant retraités, nous sommes retournés plusieurs fois en camping-car, pour des séjours d’un à deux mois, visiter les archipels et de très nombreuses îles (Crête, Ioniennes, Cyclades, Dodécanèse, Sporades…). Lors des derniers séjours, nous étions particulièrement attentifs aux problèmes de l’économie grecque et ses conséquences sur la vie du peuple.
2004. Cette année-là, nous avons rencontré en Crête, à Héraklion, un vendeur de fromages de chèvre qui s’interrogeait sur la valeur de l’euro. Avec la drachme, disait-il, en mettant la main sur sa poche, on connaissait la valeur des choses. Était-ce une simple nostalgie ou une prémonition ?
Mai 2011, dans les îles Ioniennes. Nos rencontres révélaient déjà les préoccupations économiques des restaurateurs qui rechignaient à payer la TVA. A l’occasion de la visite d’une petite île (Spilia) en face de Leucade, nous avons assisté au débarquement de Papandréou (socialiste) accueilli par un tout petit groupe de citoyens de l’île venus l’entendre. Il était encore Président du gouvernement, avant l’arrivée du conservateur Samaras six mois plus tard.
2013 à Athènes. Nous avons participé au forum des Gauches Unitaires Européennes. Nous y avons rencontré entre autres Alexis Tsipras (l’espoir d’alors) et Pierre Laurent qui disait « maintenant qu’on est dans l’Euro, il faut faire avec ... ». Nous avons filmé une partie de ce forum :
https://www.youtube.com/watch?v=cuLJr8qiTiQ
2014. Nous avons séjourné à Athènes chez des amis grecs rencontrés l’année précédente sur l’île de Thassos. Dans les rues d’Athènes le 9 juin, nous avons participé à une grande manifestation où les gens réclamaient « pain éducation et liberté ». Nous avons filmé cette manifestation : https://www.youtube.com/watch?v=0MoAEfgkR70 . Au passage, signalons que la femme qui nous recevait revenait effondrée de l’hôpital. Elle était menacée d’une récidive d’un cancer du sein. L’hôpital ne pouvait pas la prendre avant 6 mois par manque de personnel.
2015 en mai et juin. Pour commencer deux petites anecdotes. Début mai, visite d’un monastère à Corfou. Un pope sympathique nous supplie de téléphoner à Hollande pour qu’il aide la Grèce. Pauvre pope, il croyait sans doute aux miracles ! A la mi-mai à Limnos, lors de notre café quotidien au bar du port, le patron parlant de Alexis Tsipras nous dit en riant : « Bla, bla, bla ...».
Mais l’austérité fait de plus en plus de ravages. A Athènes, dans le quartier central d’Exarchia, les rideaux des magasins sont pour la plupart fermés, tagués. La pauvreté s’installe mais est loin d’être apparente selon nos amis. Par contre, dans les quartiers riches et touristiques comme Plaka ou l’Acropole, l’activité semble quasi normale, les bars fonctionnent à plein. L’élection de Syriza le 25 janvier 2015 a apporté un immense espoir. Chaque matin, au petit déjeuner, nos amis écoutent radio Syriza. C’est l’enthousiasme !
Le gouvernement grec se bat avec courage contre la Troïka qui ne veut pas alléger la dette grecque mais veut imposer un troisième plan d’austérité. Alexis Tsipras brandit la menace d’un référendum. Menace inutile ! Toute l’Europe (UE, BCE, Junker, Moscovici…) se ligue contre lui. « Si vous votez NON (OXI) ce sera la catastrophe, rabâchait-on partout ! »
Durant les journées du 26 au 28 juin, nous assistons à « International anti UE forum » qui s’est tenu au Pirée. Étaient présentes les gauches européennes prônant la sortie de l’Euro et de l’UE. Le slogan était : EUROZONE IS THE PROBLEM, EXIT IS THE SOLUTION. En débat : Faut-il soutenir le NON au référendum, au risque de soutenir un Alexis Tsipras qui n’inspire pas confiance ? Le vote NON fut finalement adopté. A noter la présence d’un très grand nombre de jeunes Grecs dans une ambiance conviviale.
Les Grecs avaient peur de perdre le peu qu’ils possédaient. Le 1er Juillet 2015 au matin nous avons vu des files immenses devant les distributeurs de billets : La BCE avait fermé le robinet des EUROS, ultime intimidation ! Résultat le 5 juillet : malgré l’énorme pression politique et médiatique les Grecs disent NON à 61,3 %.
La suite on la connaît : le 13 juillet 2015 Alexis Tsipras signe le troisième mémorandum, et depuis c’est soumission sur soumission à toutes les requêtes de l’UE. Encore hier (20 février 2017) Alexis Tsipras s’est incliné face aux exigences de l’UE pour obtenir le prochain prêt de 7 milliards !
2- Situation actuelle de la Grèce
Les désastres provoqués par la politique d’austérité sont connus et décrits dans de très nombreux articles. On retiendra qu’on a atteint maintenant une situation alarmante.
- 1/3 des Grecs vivent sous le seuil de pauvreté.
- 30 à 35 % de la population n'a plus accès aux soins.
- Manque de médicaments pour tous.
- Sous-alimentation des nourrissons et des enfants en bas-âge.
- Augmentation de la tuberculose et réapparition du paludisme.
- Explosion des cas de séropositivité (1 200 %).
- Augmentation des troubles dépressifs ...
- Des milliers d'écoles ne sont plus chauffées et manquent d’enseignants.
- Le chômage atteint plus de 25% (60 % chez les jeunes).
- Le taux de suicides a explosé.
- Baisse continuelle des revenus : SMIC à 600 €, Retraites 384 €.
- Et le comble, le cadeau de Noël 2016 aux retraités, décidé par Alexis Tsipras sans demander l’autorisation à l’UE, de 300 à 800 euros, sera payé par une augmentation de l’austérité....
Depuis plus de 5 ans, le peuple grec a mis en place de nombreuses initiatives autogérées, pour répondre à l'effroyable crise humanitaire résultant des politiques imposées par la Troïka (UE, BCE, FMI) : épiceries sociales, cantines... et particulièrement une cinquantaine de dispensaires sociaux pour permettre un accès aux soins aux plus démunis. Cette situation résulte de l’austérité imposée, pour soi-disant redresser la situation financière déficitaire du pays. Toutes ces mesures d’austérité se succédant - les infrastructures, des plages et de nombreuses îles privatisées et vendues à bas prix aux banques et sociétés d’autres pays de l’Union européenne ou de la Chine au rythme décidé par la Troïka - rendent impossible le relèvement du pays.
Tout cela pour rembourser une dette illégitime qui n'a profité qu'aux plus riches et aux banques. La dette est un instrument de soumission des peuples.
3- Le collectif « MARSEILLE AVEC LES GRECS »
Dès 2012 nous avions conscience du désastre provoqué en Grèce par la politique européenne. Les Marseillais avaient défilé nombreux pour le soutien au peuple grec jusqu’au consulat grec de Marseille. Nous l’avions filmé
https://www.youtube.com/watch?v=xT-pUCqvkRs
Depuis plus de deux ans, comme dans de nombreuses villes en France, le collectif
« MARSEILLE AVEC LES GRECS » a été constitué en février 2015 avec la participation d’une trentaine d’associations, de syndicats, de partis politiques et de citoyens... Ce collectif participe à un mouvement de solidarité, en lien avec le collectif national de solidarité avec le peuple grec selon deux objectifs : POUR LA DÉMOCRATIE CONTRE L’AUSTÉRITÉ, en particulier :
- Lutter contre la propagande mensongère sur la dette grecque
- Informer sur la situation réelle en Grèce
- Organiser la solidarité concrète avec le peuple grec.
Répondant à l’appel du collectif « Solidarité France Grèce pour la Santé » et de l’association « Bretagne Grèce Solidarité Santé », plus de 80 personnes de 23 collectifs locaux venant de plus de 20 villes et départements (*) se sont retrouvés le 20 février 2016 pour faire le point sur la solidarité avec les dispensaires sociaux grecs et le combat du peuple grec contre les politiques d’austérité imposées par l’Union européenne et mises en œuvre par les autorités grecques. Dans ce cadre un convoi d’une dizaine de véhicules sillonnant la France a apporté matériels et médicaments aux centres de soins sociaux.
(*) Aubagne, Aube, Auxerre, Avignon, Bordeaux, Bretagne, Caen, Clermont, Gard, Grenoble, Isère, Lannion, Lille, Lyon, Marseille, Morbihan, Nancy, Normandie, Paris, Poitiers, Rennes, Saint-Malo, Tarn, Troyes, Toulouse, Trégor, Val-d’Oise, Vaucluse, Vitry-sur-Seine, Yonne.
« MARSEILLE AVEC LES GRECS » s’est réuni une à deux fois par mois au local de Solidaire ATTAC pour échanger, analyser la situation et prévoir des actions. La participation de ses divers membres est restée assez limitée, seule une dizaine de personnes assurant la continuité. Une réunion publique d’information était organisée le 12 novembre 2015 pour connaître « La vérité sur la dette Grecque » sur la base du rapport de la Commission d'audit commandé le 4 avril 2015 par la Présidente du Parlement grec, Zoe Konstantopoulou qui a confié à Éric Toussaint (CADTM) la coordination des travaux.
Au printemps 2016, était organisée une collecte de médicaments demandés pour le centre social Ellinikou (près du Pirée), l’un des nombreux centres sociaux autogérés qui soigne gratuitement les Grecs qui n’ont plus accès aux soins. Nous avons apporté directement dans ce centre social, le 4 mai 2015 avec notre camping-car une cinquantaine de kilos de médicaments. Pour la petite histoire, le dispensaire social d'Ellenikou s'est vu attribué en août 2015 le "PRIX DU CITOYEN EUROPÉEN" du Parlement Européen, par la députée européenne Sylvie Guillaume. Les responsables du dispensaire ont refusé ce prix, attribué par les responsables directs des politiques qu'ils subissent et qu'ils combattent !
Récemment cet hiver, nous avons rassemblé et envoyé des biens de première nécessité demandés par un centre social d’Exarchia (vivres, vêtement chauds…). Ils ont été emmenés le 15 février dernier par Yanis Youlountas l’auteur du film « Ne vivons plus comme des esclaves », film que vous pouvez visionner avec ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=rpqk24qvoR4 . Il convient de préciser que ces centres sociaux apportent du secours non seulement aux Grecs déshérités, mais aussi aux dizaines de milliers de réfugiés coincés en Grèce par l’Union européenne !
4- Analyse politique
L’économie grecque. Le poids insupportable de la dette (325 milliards d’euros) rend impossible, pour le peuple grec, toute reprise en main de son destin. Un allègement important est une condition nécessaire (mais non suffisante). Sans souveraineté économique, l’exercice de la démocratie est impossible. Le non à l’austérité à 61,3 % du peuple grec à l’issue du référendum du 5 juillet 2015,bafoué quelques jours plus tard par la signature du 3ème mémorandum, est la triste illustration de la domination économique de leur État par la Troïka qui a refusé jusqu’à ce jour tout allègement de la dette. Le cauchemar vécu par le peuple grec continue et s’amplifie. Les mesures d’austérité et les « mémorandums » se succédent, ne laissant aucune issue. Les Grecs que nous avons rencontrés ont voté Caramanlis, Papandréou, Samara, Tsipras sans que rien ne change… Ils ne savent plus quoi faire. « On vivait bien mieux avant avec la Drachme, on n’avait pas de dette, mais comment faire pour sortir de là ? » entendions-nous souvent. L’été, des jeunes Athéniens vont passer 3 à 4 mois dans les îles touristiques pour gagner de quoi vivre le reste de l’année. Depuis cette crise 500 000 jeunes, diplômés pour la plupart, se sont expatriés...
Démocratie et souveraineté. La Grèce a perdu toute souveraineté et son gouvernement ne peut soumettre au Parlement que des lois préalablement approuvées par la Troïka et entrant dans ses plans mortifères. Plus aucune démocratie n’existe dans le pays qui fut le berceau de la démocratie. Même lorsque les « objectifs » sont atteints, les aides et les crédits de l’UE, y compris ceux concernant l’accueil des réfugiés, subissent des retards ou font sans cesse l’objet de menaces et de chantages. Les Grecs vivent aujourd’hui dans l’Union européenne une crise humanitaire gravissime, de type tiers-mondiste dans le silence complet de nos grands médias : baisse massive des salaires et des pensions de retraites, chômage, fermetures ou paralysie des services publics de santé, d’éducation.... On pourrait presque parler d’un génocide économique ! Le peuple grec ne peut compter que sur ses propres initiatives de solidarité, avec la création de dispensaires gratuits, de cantines solidaires, de centres sociaux… et sur NOTRE SOLIDARITÉ.
Quel avenir ? Pour redresser son économie au profit du peuple, l’État grec doit pouvoir équilibrer lui-même son budget, et pour cela il doit reprendre sa souveraineté économique. Tout d’abord, la dette grecque doit être remise en question. Comment peut-elle être répudiée au moins partiellement ? C’est le travail de l’audit d’Eric Toussaint qui a montré que la quasi-totalité de la dette est illégitime et de toute façon insoutenable. Malheureusement Alexis Tsipras n’a pas voulu prendre en compte les conclusions de l’audit, espérant peut-être amadouer ses bourreaux financiers ? Ensuite, en supposant que la Grèce arrive à répudier la dette publique, il restera à ce pays, très affaibli, la lourde tâche de reconstruire une économie équilibrée et plus juste. L’agriculture, l’industrie, détruites après l’entrée de la Grèce dans l’Union européenne, devront être relancées. Ce ne sera pas une tâche facile, dans le contexte européen actuel qui est tout sauf solidaire ! Cette tâche pourrait être facilitée par des accords de coopération avec d’autres pays qui auraient retrouvé leur souveraineté et ayant la volonté de collaborer avec les autres peuples ! Mais ce sera un long processus !
Nous devons tirer les leçons de cette tragédie. Le peuple français aussi doit reprendre sa souveraineté abandonnée aux financiers (loi en France Giscard Pompidou en 1973, puis traités européens). Ce serait le meilleur moyen d’aider efficacement la Grèce. Nous pourrions ainsi passer avec eux des accords de collaboration en vue de les aider à retrouver leur autonomie.
5- Informations complémentaires
Bientôt le film « La tourmente grecque II (Chronique d'un coup d’État) » va sortir officiellement dans les salles de cinéma. Il décrit parfaitement la crise grecque. L’auteur réalisateur est Philippe Menut Journaliste /documentariste indépendant « Les films du mouvement ». Une projection est prévue à Marseille, au cinéma Les Variétés le 11 avril 2017en présence de l’auteur en vue d’un débat après le film. Vous pouvez déjà visionner et diffuser la version provisoire du film avec le lien : www.latourmentegrecque.org
NB :
Tout en écrivant cet article, nous venons de lire dans Agoravox un article beaucoup plus incisif mais tout à fait concordant : en Grèce, l’horreur européenne continue par Laurent Herblay
http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/en-grece-l-horreur-europeenne-189966.
Nous en citons un extrait. « Finalement, à partir du moment où la Grèce n’est pas prête au défaut et à la rupture avec l’euro et l’UE, elle est à la merci des demandes de ses créanciers. Comme l’explique Romaric Godin, le journaliste de référence sur la question grecque, dans un remarquable papier de synthèse « Grèce : le piège de Wolfgang Schauble se referme », le Premier ministre Grec peut bien demander à l’Allemagne de ne pas « jouer avec le feu », il a perdu toute crédibilité à l’été 2015, en acceptant un énième mémorandum .