L'homme le plus malfaisant des États-Unis est mort
Le 27 mai 2017, les radios ont annoncé la mort de Zbigniew Brzezinski, un personnage qui a influencé la politique extérieure des États-Unis pendant des décennies. Une annonce sèche, sans commentaire, une brève passée inaperçue. Cette inhabituelle discrétion est suspecte. Le décès d'un personnage politique important fait généralement la une des journaux, radios et télévisions... c'est l'occasion de dresser l'inventaire de ses actions les plus prestigieuses, tout en mettant en sourdine ses échecs et réalisations les moins glorieuses. Hé bien là, non, rien, pas de commentaires, un quasi silence, sauf sur France Culture. Pourquoi ?
Les origines de Zbigniew Brzezinski , né à Varsovie en 1928, plongent dans le nationalisme polonais russophobe traditionnel. Sa famille paternelle aristocratique venait d'une région qui faisait partie de la Pologne et appartient aujourd'hui à l'Ukraine. De par ses origines, il haïssait la Russie, il haïssait les Russes, il a œuvré à la chute de l'URSS.
Comme conseiller de la sécurité nationale du président Jimmy Carter, Brzezinski fut le gourou de la stratégie du parti démocrate. Il a soutenu et armé les moudjahidine islamistes opposants du gouvernement communiste de Kaboul dès juillet 1979 afin de pousser les Soviétiques à intervenir militairement. L'objectif : "Donner à l'URSS sa guerre du Vietnam". Effectivement l'URSS s'embourba dans cette guerre pendant 10 ans - de 1979 à 1989 - accélérant sa chute qui se produisit deux ans plus tard. Brzezinski a aussi porté sur les fonts baptismaux le groupe Al-Quaïda d'Oussama ben Laden et l'on sait le chaos que cela a déclenché .
Dans son livre « Le Grand échiquier » publié en France en 1997, ( ed. Bayard) Brzezinski dévoile tout, franchement , avec arrogance. Et poursuivant sa politique antirusse il explique que l'Ukraine est un pivot géopolitique qu'il faut faire basculer dans le camp occidental afin de déstabiliser le régime de Moscou et empêcher la Russie de recouvrer un jour le statut de deuxième puissance mondiale. L'instrumentalisation des « Révolutions de couleurs » n'avaient pas d'autre objectif que de renforcer la présence de l'OTAN dans la région pour contenir l'influence de la Russie.
Ces exemples suffisent à démontrer le rôle malfaisant de ce monsieur en grande partie responsable du désordre actuel dans le monde.
Fantastique interview paru dans le Nouvel Observateur en 1998
Le Nouvel Observateur : L’ancien directeur de la CIA Robert Gates l’affirme dans ses Mémoires : les services secrets américains ont commencé à aider les moudjahidine Afghans six mois avant l’intervention soviétique. A l’époque, vous étiez le conseiller du président Carter pour les affaires de sécurité. Vous avez donc joué un rôle clé dans cette affaire ? Vous confirmez ?
Zbigniew Brzezinski : Oui. Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidine a débuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan, le 24 décembre 1979. Mais la réalité gardée secrète est tout autre : c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques.
Le N.O : Malgré ce risque vous étiez partisan de cette « covert action » (opération clandestine). Mais peut-être même souhaitiez-vous cette entrée en guerre des Soviétiques et cherchiez-vous à la provoquer ?
Z.B : Ce n’est pas tout à-fait cela. Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent.
Le NO : Lorsque les Soviétiques ont justifié leur intervention en affirmant qu’ils entendaient lutter contre une ingérence secrète des Etats-Unis en Afghanistan, personne ne les a crus. Pourtant il y avait un fond de vérité. Vous ne regrettez rien aujourd’hui ?
Z.B : Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan et vous voulez que je le regrette ? Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. » De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique.
Le NO : Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ?
Z.B : Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ?
Le NO : Quelques excités ? Mais on le dit et on le répète : le fondamentalisme islamique représente aujourd’hui une menace mondiale.
Z.B : Sottises. Il faudrait, dit-on, que l’Occident ait une politique globale à l’égard de l’islamisme. C’est stupide : il n’y a pas d’islamisme global. Regardons l’islam de manière rationnelle et non démagogique ou émotionnelle. C’est la première religion du monde avec 1,5 milliard de fidèles. Mais qu’y a-t-il de commun entre l’Arabie Saoudite fondamentaliste, le Maroc modéré, le Pakistan militariste, l’Egypte pro-occidentale ou l’Asie centrale sécularisée ? Rien de plus que ce qui unit les pays de la chrétienté.