L'« islamo-gauchisme » ou l'étrange complaisance d'une fraction de la gauche radicale envers l'islamisme

Publié le par MS21

L'« islamo-gauchisme » ou l'étrange complaisance d'une fraction de la gauche radicale envers l'islamisme

L'«islamo-gauchisme » ou l'étrange complaisance d'une fraction de la gauche radicale envers l'islamisme

 

1ère partie

 

Le 11 janvier 2015, à la suite de la tuerie perpétrée dans les locaux du journal « Charlie Hebdo », 4 millions de français manifestaient pour exprimer leur attachement indéfectible à la liberté d'expression. Un consensus large s'était édifié sur le droit absolu de critiquer une croyance ou une idéologie; quoi que l'on puisse penser par ailleurs du contenu d'un journal tel que « Charlie Hebdo ». Les Français se sont massivement mobilisés pour réaffirmer leur attachement aux valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité) face aux régressions obscurantistes et à leurs dérives meurtrières.

 

Pourtant, en 2017, éclate une violente polémique entre Edwy Plenel, directeur de Médiapart, et Riss, directeur de publication de « Charlie Hebdo » au sujet de la Une de « Charlie » représentant Edwy Plenel en singe se cachant derrière sa moustache face à l'affaire de mœurs concernant Tariq Ramadan. Il faut rappeler ici, que le 17 janvier 2015, Edwy Plenel participait à une conférence-débat « contre les discriminations et l'islamophobie », avec Tariq Ramadan, où il a notamment précisé qu'il n'aurait pas publié de « caricatures qui offensent n'importe quelle religion ».

Suite à cette Une, Edwy Plenel a réagi vivement en déclarant que la Une de « Charlie » «  fait partie d’une campagne plus générale que l’actuelle direction de “Charlie Hebdo” épouse. M. Valls et d’autres, parmi lesquels ceux qui suivent M. Valls, une gauche égarée, une gauche qui ne sait plus où elle est, alliée à une droite voire une extrême droite identitaire, trouvent n’importe quel prétexte, n’importe quelle calomnie, pour en revenir à leur obsession : la guerre aux musulmans, la diabolisation de tout ce qui concerne l’islam et les musulmans ». Ce à quoi Riss a vertement répondu : « Cette phrase, qui désigne Charlie Hebdo comme un agresseur supposé des musulmans, adoube ceux qui demain voudront finir le boulot des frères Kouachi »(1).

 

S'agit-il d'une énième « guéguerre » entre éditorialistes friands de polémiques vaines, mais vendeuses de papier ? Au MS21, nous pensons que cette affaire entre Plenel et « Charlie » dépasse la dimension de l'anecdote et qu'elle est révélatrice d'un véritable conflit entre deux courants de la gauche, généralement désignés comme « islamo-gauchisme » et « gauche républicaine ».

Le terme « islamo-gauchisme » est bien sûr une expression provocatrice et polémique tendant à dénoncer la proximité idéologique entre certains partis et mouvements de gauche et l'islamisme politique. Le fait que ce terme soit souvent utilisé par des intellectuels réactionnaires, des politiciens opportunistes tels que Manuel Valls, ne doit pas paralyser notre réflexion. La récupération idéologique d'un concept n'invalide pas sa possible pertinence politique.

 

Nous verrons, dans un premier temps, que les mouvances politiques communautaristes restent bien à l'offensive actuellement. Nous décrypterons ensuite leur idéologie qui masque derrière un paravent pseudo-progressiste des concepts fondamentalement réactionnaires, voire racistes. Nous nous pencherons alors sur les raisons qui peuvent bien pousser une fraction de la gauche radicale à chercher un rapprochement avec ces mouvements politiques. Enfin, nous conclurons sur la nécessité absolue pour la gauche de transformation sociale de rejeter avec la plus grande vigueur toute idéologie communautariste.

 

Pour l'approfondissement du concept de communautarisme nous renvoyons à l'article « Vous avez dit communautarisme ? »(2) de notre blog. Nous le définissons comme : « une forme de socio-centrisme ou d'ethnocentrisme qui donne la priorité à la communauté sur l’individu et qui a pour conséquence l’entrave à la liberté individuelle, l’enfermement de la personne par assignation de  l’individu à sa communauté. D’autre part, il peut signifier  primauté  des règles du groupe sur la loi républicaine et les droits des individus risquent de se différencier en fonction de leur appartenance à telle ou telle communauté, fondée sur une religion, une ethnie ou une langue. »

 

1 – L'offensive communautariste

 

Le 6 mars 2015, donc peu de temps après les attentats, était organisé à Saint-Denis un meeting « Contre l’islamophobie, pour les droits civiques. Contre la dérive sécuritaire, pour les libertés publiques » à l'appel d'organisations comme Attac, Ensemble!, le PCF, EELV, l'Union juive française pour la paix (UJFP),  l'Union des organisations islamiques de France (UOIF qui partage l'idéologie des Frères Musulmans), les indigènes de la République (PIR), le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France, organisation proche de l'UOIF). Le but noble de défendre les libertés individuelles et publiques cachait une volonté de mettre en avant les positions de plusieurs organisations de l'islam politique, avec une focalisation sur l'islamophobie (terme ambigu qui joue de la confusion entre critique d'une croyance et racisme dirigé contre les adeptes de cette croyance) au détriment des autres formes de racisme. L'islamophobie ferait l'objet d'un véritable racisme d'Etat selon le CCIF.

Le Parti de Gauche, dirigé à l'époque par Jean-Luc Mélenchon a refusé d'y participer pour les raisons invoquées ci-dessus.

Le 11 décembre suivant, encore à Saint-Denis s'est tenu un autre meeting du même acabit. Voici un petit florilège de ce qui s'est raconté dans ce meeting, qui en dit long sur l'idéologie véhiculée par ces organisations proches de l'islam politique et ceux qui les soutiennent (rapport de Fiammetta Venner et Carla Parisi(3)) : « Lors de ce meeting, Salma Yaqoob, a expliqué que lorsque le Sun publie un sondage disant que 1/5 des musulmans soutient Daesh, c‘est une attaque contre les musulmans !… lorsque “Valls déclare la guerre à Daesh (…) St Denis en paie le prix” dixit Alain Gresh, journaliste au Monde diplomatique. Tariq Ramadan a poursuivi  à la tribune en congratulant Alain Gresh qui a “très bien présenté le lien avec la politique étrangère et les attentats”. Il a ajouté qu’on ne “doit pas interdire ni criminaliser le salafisme ni les lectures littéralistes (…) D’après Tariq Ramadan, les attentats du 13 novembre sont “un prétexte pour déclarer la guerre à la Syrie”, guerre qui aurait été “préparée par la France bien avant”. Mais bien sûr, “des forces pro-israéliennes et sionistes en France ne veulent pas de son discours et provoquent des déstabilisations (...)Et de terminer par une diatribe contre la laïcité. “Arrêtez avec cette laïcité à toutes les sauces !! Il y en a marre !!! Unité de la république, laïcité, viande hallal, foulard, journée de la laïcité… c’est quel désordre ça ? On est où ? C’est de la distraction !!! »

Plus récemment, plusieurs colloques organisés par des universités ou des établissements publics se sont avérés de simples relais de propagande communautariste :

- les 18 et 19 mai 2017 à l'ESPE (Ecole Supérieure du Professorat et de l'Education) de Créteil sur le thème de « l'intersectionalité » (thème sur lequel nous reviendrons)

- le 14 octobre 2017 à l'Université Lumière de Lyon 2 sur « Lutter contre l'islamophobie, un enjeu d'égalité ? »

- Le 24 novembre 2017 à l'Université de Limoges était prévu un « séminaire d'études décoloniales » avec l'intervention de Houria Bouteldja, présidente du Parti des Indigènes de la République, dont nous reparlerons. Cette militante, connue pour ses prises de position racialistes, antisémites, sexistes et homophobes, ne possède par ailleurs aucune formation universitaire sérieuse. Ce colloque a été finalement annulé, tout comme celui de Lyon.

- le 29 novembre 2017, les « controverses de Descartes » à la Sorbonne avec le rectorat de Paris et le ministère de l'Education Nationale se sont déroulées avec deux représentants du seul enseignement privé catholique. Le sujet en était « apprendre à devenir un résistant intellectuel à travers une réconciliation entre spiritualité et laïcité » (!)

Les caractéristiques communes de ces colloques sont la présence d'intervenants militants, souvent sans qualifications universitaires et sans contradiction sérieuse lors de ces conférences, tels que Marwan Mohamed, dirigeant du CCIF. La volonté de propagande est manifeste, avec la « bénédiction » des autorités publiques.

 

Plus grave encore, le syndicat Sud-Education a présenté les 18 et 19 décembre 2017, une formation syndicale sur « l'antiracisme à l'école » qui se proposait d'analyser et de combattre le « racisme d'Etat » qui gangrénerait l'Education Nationale. Pour ce faire un atelier proposait de définir ce qu'est un élève « racisé »(4). Un autre atelier portait évidemment sur « l'islamophobie » et un troisième sur les pratiques de classe s'était organisé en non-mixité (atelier réservé aux personnes « racisés »). On constate, comme pour les colloques universitaires susvisés que les intervenants à ce stage étaient tous membres de la mouvance décrite précédemment comme proche de l'islam politique, souvent désignée sous le terme de « mouvance décoloniale » : Nacira Guénif du Parti des Indigènes de la République (PIR), Marwan Mohamed du CCIF.... C'est ainsi que nous la désignerons par la suite.

Nous devons donc maintenant préciser les contours de cette idéologie décoloniale.

A suivre...

(1)  https://fr.wikipedia.org/wiki/Edwy_Plenel

(2)     http://ms21.over-blog.com/2017/01/vous-avez-dit-communautarisme.html

(3)    http://www.gaucherepublicaine.org/debats-laiques/un-florilege-islamo-gauchiste/7397174

(4)   personne considérée comme appartenant à un groupe minoritaire ayant des caractéristiques communes

 

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