Les élections présidentielles aux Etats-Unis

Publié le par MS21

Les élections présidentielles aux Etats-Unis

1- La complexité du système électoral

 Le suffrage est indirect à un tour : aux Primaires, le citoyen vote pour élire des « délégués » qui choisiront leur candidat lors de la Convention du parti ;  à l'élection nationale le citoyen vote pour élire les « grands électeurs » du  Collège électoral qui désignera le Président de la République et son vice-président.
Le dernier acte de l'élection présidentielle aura lieu le 3 novembre 2020 après une campagne d'environ un an.
Le processus électoral  commence donc par les Primaires, organisées dans les  partis politiques, dans chacun des 50 états, mais les règles ne sont pas partout les mêmes ce qui ajoute à la complexité du système électoral états-unien, ce qui peut surprendre …

Les Primaires ou les caucuses(1)  peuvent être ouverts ou fermés ou semi-fermés.
Ouverts : tout citoyen peut voter à la primaire du parti de son choix   
Fermés  : seuls peuvent voter les électeurs inscrits comme affiliés à ce parti
Semi-fermés : sont admis les électeurs affiliés à aucun parti en plus des affiliés à ce parti

Au  Parti Démocrate, en plus des délégués élus par les citoyens viennent  s'ajouter  les
« super-délégués »  non élus mais choisis parmi les personnalités, cadres et militants  du Parti. Les super-délégués  sont libres d'apporter leur soutien à n'importe quel candidat. Ils sont environ 700.
Le Parti Républicain  a aussi des délégués officiels qui siègent automatiquement à la convention républicaine sans avoir été désignés lors des Primaires (ou des caucuses) mais ils ne sont que trois par État. En outre, ils sont tenus de voter conformément à la primaire de leur État.

2-  Primaire ou Caucus ?

Le caucus est une forme très particulière de primaires,  dont l'origine serait amérindienne. Les Primaires commencent en  janvier ou février et se terminent en juin. Elles sont suivies par les Conventions des partis en juillet-août.
Le premier scrutin a lieu traditionnellement dans l'Iowa, cette année le 3 février, sous la forme d'un caucus comme dans 12 autres Etats (1). Le caucus, c'est toujours un peu chaotique : entre discours improvisés, séduction à la criée et comptes d'apothicaires, parfois vote à main levée, c'est un étonnant exercice de démocratie publique. De plus, les règles des caucuses  sont très variables dans le temps et dans l'espace...
Le deuxième scrutin a lieu dans le New Hampshire sous la forme d'une Primaire classique. Ensuite c'est dans le Nevada puis dans 14 Etats simultanément, le fameux premier mardi de mars dénommé « Super Tuesday ».

Comme il n'y a pratiquement que deux partis,  les Démocrates et les Républicains, il y aura  au final deux candidats qui auront été investis lors de leur  Convention respective. Chacun de ces deux candidats est accompagné d'un colistier – ce duo s'appelle un « ticket » - et  en cas de victoire, le colistier devient vice-président.
Rien n'empêche des candidatures indépendantes en dehors de ces deux partis. Cependant, la faiblesse de ces candidatures vient des coûts faramineux qu'entraîne une campagne électorale à l'américaine.

3- Primaires dans le camp Républicain :  aucun suspens  

Plusieurs ténors républicains pressentis pour défier Donald Trump ont préféré abandonner. La tentative « d'impeachment » montée par les Démocrates ayant échoué, Donald Trump sera investi car il n'a aucun opposant. Les primaires ne seront qu’une formalité pour lui car il bénéficie du soutien officiel du Parti Républicain. Il a d’ailleurs annulé les primaires du Parti dans une dizaine d’Etats. Il organisera sa Convention nationale en Caroline du Nord, dans la ville de Charlotte, fin août.

4- Suspens dans le camp des Démocrates

Jamais autant de candidats démocrates ne s'étaient lancés dans la course à la Présidence (au départ plus d'une douzaine)  mais beaucoup ont vite abandonné soit à cause des mauvais sondages, soit à cause du coût élevé d'une campagne et sont restés : Joe Biden, Bernie Sanders, Elisabeth Warren, Pete Buttigieg, Michael Bloomberg, Amy Klobuchar.

Les prétendants s'affrontent lors de Primaires (ou de Caucus) et un certain nombre de délégués est attribué à chacun d'eux selon le  nombre de voix obtenu( 2). Tous les délégués élus se réuniront lors de la Convention qui  se déroulera à  Milwaukee, dans le Wisconsin, du 13 au 16 juillet, et investiront le « ticket » qui affrontera Donald Trump.

5- « Election Day » :  le 3 novembre 2020

Ce jour-là les citoyens sont appelés aux urnes et même si les bulletins de vote portent les noms des candidats à la Présidence et à la vice-présidence, les votants élisent en fait les grands électeurs.
Chaque État reçoit autant de grands électeurs qu'il possède de représentants et de sénateurs au Congrès.  Les candidats à cette fonction de grands électeurs sont nommés par les partis politiques des différents États dans les mois qui précèdent le jour de l'élection. Quasiment tous les États utilisent la méthode du winner-take-all («le vainqueur prend tout ») qui attribue en bloc l'intégralité de leurs grands électeurs au candidat ayant obtenu la majorité des suffrages.
 Pour l'emporter, un candidat à l'élection présidentielle doit obtenir la majorité des 538 grands électeurs, donc au moins 270. Le résultat final est connu dès le soir de l'Election Day bien que le Président et le vice Président ne  soient  officiellement désignés que lors du vote du Collège électoral qui réunit les grands électeurs, en décembre. L'entrée en fonction du Président élu aura lieu le 20 janvier 2021 (Inauguration Day).

Un grand électeur peut décider de ne pas voter pour le candidat pour lequel il a été choisi ; les cas sont rares, mais on en compte huit dans la période contemporaine. Certains États ont d'ailleurs interdit cette pratique.

6- Qui est Bernie Sanders ?

Il est actuellement Sénateur du Vermont - un petit Etat  du nord-est des États-Unis -  après avoir siégé à la Chambre des Représentants de 1991 à 2007 comme membre indépendant,  n'ayant reçu l'investiture démocrate qu'une seule fois en 1994. Depuis 2007 au Sénat, il est rattaché au groupe  démocrate, mais politiquement  indépendant.  Admirateur du syndicaliste et politicien socialiste  Eugène Victor Debs (1855-1926) (3)— son portrait est accroché dans son bureau — il se déclare  socialiste et  indépendant du Parti démocrate.
 Pendant ses études à l'université de Chicago, il intègre la section étudiante de  la ligue des jeunes socialistes, lutte pour les droits civiques et contre la guerre du Vietnam. En 1991 et  2003, il vote contre la guerre en Irak. Il demande la fin du blocus contre Cuba. Sa doctrine est généralement considérée comme étant social-démocrate, mais il est aussi décrit par certains comme étant un populiste de gauche. Il attire des électeurs non affiliés à un parti,  surtout des jeunes même chez les Républicains, grâce notamment à son programme économique. Ses propositions les plus notables sont :  couverture médicale universelle ( il cite en exemple le système français ), accès gratuit à l'université, impôts sur les grandes fortunes, réduction des émissions de gaz carbonique.
Il galvanise de plus en plus les foules, et notamment les jeunes qui ont aujourd’hui une vision plus positive du socialisme que du capitalisme (57% contre 47%). Mais aux États-Unis, l'idée dominante est que socialisme et communisme sont identiques et conduisent tout droit au goulag. Le capitalisme reste privilégié par une majorité de la population, mais dans une proportion (56% contre 37% ) très inhabituelle dans l’histoire américaine. Au point que la quasi-inexistence de la proposition politique socialiste aux États-Unis a longtemps été considérée par les sociologues et les historiens comme constitutive de l’« exception américaine  ».

7- Bernie Sanders peut-il être le prochain candidat face à Donald Trump ?

Bernie Sanders est bien placé lors des premières consultations : après  de bons résultats dans l'Iowa et le New Hampshire, il remporte le Nevada loin devant tous ses rivaux. Des figures de la gauche américaine font campagne pour lui, comme la jeune représentante new-yorkaise, Alexandria Ocasio-Cortez. Ses rassemblements, souvent accompagnés de concerts, comme celui du groupe de rock Vampire Weekend  ou de l’apparition de figures de la gauche alternative, comme le cinéaste et activiste Michael Moore, ont attiré des foules inhabituelles.  Son avance a fait exploser au grand jour la fracture au sein du parti démocrate entre les partisans du sénateur « socialiste » et les « modérés » tenants d'un discours plus au centre, censé pouvoir rassembler plus d'électeurs pour battre Donald Trump le 3 novembre. Mais les soutiens de Bernie jugent qu'il est le plus en mesure de gagner face à Trump et qu'il aurait été élu Président en 2016 s'il avait emporté l'investiture du Parti Démocrate. Il a échoué car 465 super-délégués ont apporté leur soutien à Hillary Clinton contre seulement 25 à  Sanders. Ce même scénario risque de se reproduire cette année : un éditorialiste a déclaré que les démocrates jouent avec le feu en soutenant Bernie Sanders car ses idées trop à gauche risquent d’effrayer l’électorat modéré.

 Le modéré Joe Biden est arrivé premier en Caroline du Sud puis  a gagné dans 9 Etats lors du « super Tuesday » : Alabama, Arkansas, Caroline du Nord, Massachusetts, Minnesota, Oklahoma, Tennessee, Texas, Virginie tandis que  Sanders s'impose dans le  Vermont, l'Utah, le Colorado et la Californie. Cet Etat progressiste, le plus peuplé du pays, est crucial dans la course à l'investiture démocrate car il offre le plus grand nombre de délégués (415).

 Pete Buttigieg a vite abandonné et s'est  rallié à Biden ;  Michael Bloomberg jette l'éponge au soir du super Tuesday et déclare apporter son soutien à Biden ; Elisabeth Warren battue dans son fief, le Massachusetts, est largement distancée.  Bernie Sanders était largement en tête tant que les modérés étaient divisés mais ses adversaires se sont unis derrière un seul candidat - Joe Biden - si bien que Bernie s'engage  désormais dans un duel avec le modéré pour obtenir l'investiture à l'issue de la saison des Primaires, prévue le 6 juin.
On ne peut d'ailleurs pas écarter le scénario d'une convention nationale disputée si aucun des deux candidats n'obtient la majorité absolue de 1 991 délégués  à la fin de la saison des Primaires. Dans ce cas, il reviendra aux 771 super-délégués de les départager au mois de juillet.
Le mardi 10 mars, le sénateur du Vermont a cette fois perdu le Michigan, le Mississippi, le Missouri et l’Idaho. Mais la Primaire n’est pas terminée. Un faible nombre de délégués a été attribué.  D’autres scrutins importants auront lieu dans les semaines à venir : la Géorgie le 24 mars puis l'Arizona, l'Ohio, la Floride et l'Illinois début et fin avril.

Bernie Sanders sera-t-il l'adversaire de Donald Trump puis le 46 ème Président des Etats-Unis d'Amérique ?

                                                                                                                      Affaire à suivre...


Dernière minute : La campagne est suspendue à cause de la pandémie COVID 19

Additif : Bernie Sanders a abandonné et appelé à voter Biden

 


Notes :


(1) Dans une minorité d'États :Alaska, Colorado, Dakota du Nord, Idaho, Iowa, Kansas, Kentucky, Maine, Minnesota, Montana, Nevada et Nouveau Mexique, les élections primaires prennent la forme d'un caucus : il s'agit d'une réunion théoriquement réservée aux membres du parti où les votes se font ouvertement, à main levée par exemple. Dans des salles, des bibliothèques et des gymnases municipaux, les participants échangent leurs points de vue et finissent par rallier un groupe soutenant un candidat.

(2) Le calcul du nombre de délégués est fonction du nombre de voix obtenu mais la formule mathématique utilisée est absconse. Pourquoi un candidat ayant obtenu plus de voix qu'un autre se voit attribuer moins de délégués ? Dans l'Iowa, Pete Buttigieg obtient 22 ou 23 délégués, Bernie Sanders 21 alors que ce dernier  a recueilli plus de voix ( 113 873 pour Bernie contre 107 553 à Pete).

(3) https://blogs.mediapart.fr/jean-louis-legalery/blog/171114/eugene-v-debs-heros-oublie-de-la-classe-ouvriere-americaine

 


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J
Bonjour, pourquoi ne vous definissez pas politiquement (sinon par vos editoriaux). Merci. Bonne continuatoon
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M
Bonjour Justin,<br /> Quelle définition ? Le MS21 est un mouvement d'éducation populaire, laïque et républicain, qui défend la souveraineté des peuples et cherche à re-politiser les citoyens. Je vous invite à naviguer dans notre site où vous trouverez nos statuts, tous nos articles , tous nos engagements. http://www.ms21.org/accueil2.php<br /> Nous ne sommes associés à aucun parti politique, assujettis à aucun courant de pensée.