Affaire Maryam Pougetoux
Affaire Maryam Pougetoux
Harcèlement islamophobe ou résistance à l'islamisme ?
Maryam Pougetoux, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF, fait l'objet de vives critiques du fait de ses attributs vestimentaires qui la distinguent nettement de celles de la quasi-totalité des représentants syndicaux. Elle arbore régulièrement un voile islamique très ostentatoire, un hijab proche de celui que doivent porter les femmes iraniennes depuis la révolution islamique de 1979. Il lui est reproché de faire un prosélytisme déguisé en faveur d'une vision rigoriste de l'Islam sous couvert de liberté vestimentaire. Maryam Pougetoux nie en bloc ces accusations et se défend de faire de la politique par ce biais.
Ces polémiques ont récemment pris une tournure encore plus virulente. L'UNEF a été invitée à une audience d'une commission parlementaire qui voulait mesurer et prévenir les effets de la crise de la COVID-19 sur les enfants et la jeunesse. La Présidente de l'UNEF, empêchée, a été remplacée au denier moment par la vice-présidente Maryam Pougetoux. Avant le début des travaux, le député LR Pierre-Henri Dumont fait un « rappel au règlement » au cours duquel il s'oppose à ce « choix d’enfreindre le principe de laïcité auquel doit s’astreindre notre assemblée ». Il porte l'accusation d'une « démonstration communautariste », dénonce une « attaque préméditée » et annonce la décision des députés LR de quitter la salle. L'élue LREM Anne-Christine Lang leur emboîte le pas peu après.
A gauche de nombreuses voix se sont élevées pour s'indigner de cet ostracisme présumé, à l'image de David Guiraud, porte-parole jeunesse de la France Insoumise tweetant : « Mais vous ne vous arrêterez jamais de détester les femmes voilées en fait ? Il faut quoi, qu’elles disparaissent ? Des députés préfèrent DÉSERTER une commission d’enquête sur les effets de la crise du COVID-19 sur les jeunes, plutôt qu’écouter une syndicaliste voilée !! ». Il faut cependant remarquer l'exception notable de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT qui a déclaré sur l'antenne de Public Sénat : « La République est laïque et tous les symboles de la République doivent respecter la laïcité. On aurait dû discuter sur les conditions de sa venue. Il y a le droit de pratiquer, mais la laïcité reste essentielle dans notre pays. »
Le MS21 souhaite dénoncer les confusions autour du concept de laïcité qui se sont encore exprimées autour de cette affaire et en préciser les véritables enjeux politiques.
Les élus ayant « boycotté » Maryam Pougetoux ont juridiquement tort...
En effet, ni le règlement de l'Assemblée Nationale, ni les principes fondamentaux de la laïcité n'imposent à Maryam Pougetoux la neutralité vestimentaire dans le cadre de son audience à l'Assemblée Nationale. Dans cette enceinte, seuls les élus sont soumis (depuis peu) à l'interdiction du port de signes religieux ostensibles, d’un uniforme, ou de vêtements avec logos ou slogans politiques.
Sur le plan des principes laïcs, seuls les agents publics sont soumis à la neutralité (sphère de l'autorité publique), ce qui n'est pas le cas de Maryam Pougetoux, représentante de la société civile.
L'initiative des députés « boycotteurs » est ainsi ambiguë, et pourrait être interprétée dans un sens liberticide rappelant la volonté de certains mouvements de droite et d'extrême-droite de vouloir imposer le principe de laïcité à la sphère de la société civile.
Néanmoins, il nous semble que la démarche de ces députés n'est pas dépourvue d'une certaine pertinence politique.
...mais ils ont politiquement raison
En effet, cet épisode n'a pas lieu n'importe où, mais dans l'enceinte de l'Assemblée Nationale, le lieu emblématique de la construction de la loi par les représentants du peuple. Et le principe philosophique de la laïcité veut que la loi ne soit élaborée que par le seul outil de la raison. Autrement dit, quand on participe peu ou prou à la réflexion préalable à l'élaboration d'une loi, il faut laisser au vestiaire ses appartenances et ses croyances et surtout ne pas les afficher de façon ostentatoire. Pour avoir méconnu ce principe - et pour aucune autre raison évidemment - Mme Maryam Pougetoux n'était pas légitime pour être auditionnée, dans ce lieu, par une commission d'enquête parlementaire.
Si Maryam Pougetoux est dans son bon droit, juridiquement parlant, il est permis de s'interroger sur ses motivations politiques. Est-il vraiment innocent, pour un responsable syndical, de porter en permanence un voile peu discret et très connoté « Frères Musulmans » ? Il ne faut jamais oublier que Maryam Pougetoux représente l'ensemble des syndiqués de l'UNEF, dans leur diversité d'opinions politiques, philosophiques et confessionnelles. Elle devrait aussi porter de façon cohérente les convictions censées être progressistes et sociales d'un syndicat tel que l'UNEF.
Il s'avère, hélas, que l'UNEF a pris depuis quelques années un virage politique qui l'éloigne de ses valeurs. L’UNEF est un syndicat de gauche historiquement féministe et laïc. En 2013, l'UNEF s'était prononcé contre le port du voile à l'Université. Depuis lors, l'UNEF s'est repositionné idéologiquement sur un modèle communautariste : promotion des activités non-mixtes, alliance avec les Etudiants Musulmans de France, opposition aux pièces de théâtre « Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes » et « Les Suppliantes », dénoncées comme racistes... Ainsi, l'UNEF pratique clairement un prosélytisme déguisé en faveur des thèses communautaristes.
Le MS21 appelle, en conséquence, tous les militants progressistes à combattre fermement toutes les dérives communautaristes, sans se laisser intimider par des accusations de racisme ou d' « islamophobie ».