Défense de la langue française ( suite )

Publié le par MS21

Quelques dictionnaires...

Quelques dictionnaires...

                                    

Nous devons défendre notre langue contre ces deux menaces qui la guettent : l’invasion du « globish » et l’invention de l’écriture inclusive.

 Le 18 janvier 2020 nous avons publié un texte intitulé « Défense de la langue française »(1). Aujourd’hui,  suite au  rapport de l’Académie Française publié le  3 février 2022 « Pour que les Institutions françaises parlent français »,  nous voulons apporter notre contribution  à la défense de notre langue, enrichir  et compléter  notre premier texte sur ce sujet.
Le rapport de l’Académie française porte sur la communication institutionnelle en langue française, il concerne toutes les institutions publiques ou privées, «  il ne considère que la communication en langue écrite et ses aspects rédactionnels au regard de la langue française ». Il dénonce l’usage intempestif de la langue anglaise ou plutôt du franglais dans la communication et l’invention de mots et de formules difficiles à comprendre qui se veulent parfois humoristiques ! (2)

I- L’invasion du « globish »

1- L’Académie Française dénonce l’usage intempestif de la langue américaine

Voici une liste de quelques-uns de ces abus relevés sur le site de l’Académie  :
* La fête de la gastronomie s’appelle maintenant Good France ( goût de France)
* Un TGV de la SNCF est baptisé OUIGO  ( we go)
* L’université de Cergy-Pontoise s’appelle désormais CY – Cergy Paris Université – et le nom des filières change pour se décliner sous celui de CY : CY Sup, CY Graduate Schools, CY Tech,  CY Education . Plus tard sera créé CY Alliance . CY oralisé veut dire Voir Pourquoi  ( see why ) et  ce changement de nom doit  améliorer le rayonnement des écoles de Cergy à l’international !!!
* Les Régions pensent séduire les touristes en utilisant le « globish » : My Loire Valley, Only Lyon, Maubeuge Creative Cities,  Annecy Mountains ,  Smile in Reims , etc.

Ajoutons :
 La banque postale qui devient  « Ma french bank » et La France « une start-up nation »
 Une affiche annonçant les événements à venir conclut avec la phrase « Save the date ! »
Sans parler des enseignes des magasins dont les noms sont américanisés : les Carrefour Market, les Carrefour City, le  Drive, Les Relay …..
Votre magasin n’est pas ouvert ou fermé : il est open ou close …
Macron convoque chaque année une conférence internationale à Paris qu’il a nommée  « Choose France ! »…
La loi Toubon est excellente mais comme nous le voyons aujourd’hui elle est allégrement ignorée et bafouée. Nous rejoignons Georges Gastaud qui préside l’association C.O.U.R.R.I.E.L  pour   « Stopper la politique de substitution linguistique de l’anglais à la langue française » (3)

2- L’hégémonie culturelle nord-américaine

Une langue n’est pas seulement un outil de communication, c’est aussi un outil  de domination.
Les colonisateurs ont toujours imposé leur langue aux peuples qu'ils soumettaient.  La langue véhicule une culture, des idéologies et des formes de pensées… C'est bien pourquoi les Etats-Unis tentent  de dominer la planète entière avec leur dollar et... leur langue ! La lutte contre le néolibéralisme passe aussi par la lutte contre l'invasion des anglicismes et du « globish », cette version dégénérée de la langue de William Shakespeare, Virginia Woolf ou Charles Dickens.
Tout un chacun est sommé de connaître l’anglo-américain. Parfois, certains propos de personnalités étrangères rapportés dans les bulletins d’informations audio-visuels ne sont plus traduits par les présentateurs. Un oubli ? Une intention délibérée ?

3- Prendre exemple sur les Québécois

Le Québec, province francophone du Canada anglophone, est particulièrement actif dans la défense de la langue française -  il aimerait d’ailleurs être plus aidé par la France dans ce combat - .
L’Office québécois de la langue française à Montréal travaille au développement de la langue française et impose des substituts aux mots anglais ou américains. Le « Parking » se dit « Stationnement », « l’autostop » est traduit par « Pouce », le « shopping » est remplacé par « magasinage », …

En informatique leur  recherche d’équivalents français a été systématique, au besoin des mots nouveaux ont été inventés  : mail remplacé par  courriel, spam par pourriel, live par direct, data center par  centre de données, e-book par  livre électronique, geek par  maniaque, hoax par canular, hacker par pirate, to post par  publier, scanner par  numériser, etc.

II- L’invention de l’écriture inclusive

1- Déclaration de l’ACADÉMIE FRANÇAISE sur l'écriture dite « inclusive » adoptée à l’unanimité de ses membres dans la séance du jeudi 26 octobre 2017
Prenant acte de la diffusion d’une « écriture inclusive » qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde. La multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.
Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures.
Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.

2- « L’écriture inclusive c’est du scribouillage » dixit Bernard Pivot

Bernard Pivot a fait cette déclaration le 21 décembre 2017 dans une émission de la  RTS (Radio Télévision Suisse),  invité par  Romain Clivaz :  « C'est du scribouillage, du bricolage, du tripatouillage. On ne peut pas l'utiliser. C'est illisible, donc c'est idiot »
Il ajoute que « la langue française ne va pas bien,  elle  est infestée de mots américains, c'est un peu dommage. Le français ne se nourrit plus que d'une seule langue."
Il ajoute aussi que "l'orthographe est en déliquescence. C'est pour ça que pendant 20 ans j'ai fait une dictée en amusant les gens."

3- Au départ,  il s’est agi de féminiser certains mots

Des métiers autrefois uniquement masculins sont maintenant aussi exercés par des femmes. Il a fallu inventer des mots pour les désigner...pas de problèmes pour certains – on ajoute un e – plus compliqué pour d’autres ...Un médecin ne peut devenir au féminin une médecine, un tribun une tribune, un pèlerin une pélerine. Ces exemples amusants sont donnés par Bernard Pivot.
On se contentera de dire une médecin, une ministre, une professeur, une maire….on a ajouté un « e » au mot député :  elle est députée de Paris. On ajoutera parfois  le mot femme : une femme soldat. Mais il n’est pas choquant de dire « Elle est médecin, elle est ingénieur, elle est pilote …. »

4- L’assaut des féministes

Les « inclusivistes » partent du postulat suivant : la langue aurait été "masculinisée" par des grammairiens durant des siècles et il faudrait donc remédier à « l’invisibilisation » de la femme dans la langue. L’exemple, unique et tant cité, de la règle d’accord "le masculin l’emporte sur le féminin" ne  prétend pas désigner  une quelconque  supériorité  de l’homme sur la femme. Cette prétendue « règle » n’a pas été imposée par un cénacle de « machos » car une langue n’est pas une création de grammairiens - ni de grammairiennes -,  elle se construit  peu à peu  par  ses locuteurs, ses usagers.
 En  anglais il existe un genre neutre en plus du féminin et du masculin.  Cette particularité n’existant  pas dans  la langue française, c’est le masculin qui sert de genre  neutre et on l’utilise pour les formes impersonnelles ( il pleut), pour un indéterminé ( ils ont encore augmenté les impôts). Et c’est par défaut qu’il intervient dans l’accord par résolution (la fille et le garçon sont partis),  il n’y a là aucune domination symbolique ou socialement interprétable.
Pour conclure, remarquons aussi que les mots « masculin » et « féminin »  n’ont évidemment pas le même sens appliqués au sexe ou à la grammaire ! Quand  on dit  une table personne ne pense qu’elle a un sexe féminin ! Le buffet ne possède pas non plus d’ attributs masculins !

5- L’écriture inclusive est-elle utile aux paresseux ?

Pourquoi écrire cher.es ami.es, et non pas chers amis et chères amies ? Pour gagner  de l’espace ? Du temps ? Aller toujours plus vite ? C’est de la paresse  !
Le célèbre «  Travailleurs, travailleuses » de Arlette Laguillier serait remplacé par travailleu.r.s.e.s ou plutôt  travailleu.rs.ses ?  Mais c’est imprononçable…Or une langue vivante écrite doit pouvoir être oralisée ! Cette écriture inclusive rend impossible la lecture à voix haute pourtant très recommandée dans les apprentissages. Ces formes fabriquées posent des problèmes considérables de découpages, d’accords, d’orthographe et de lecture. La circulaire ministérielle de novembre 2017 demandait  de "ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive".

Le MS21 approuve l’injonction ministérielle et rejette cette écriture inclusive  qui complexifie les pratiques, qui poserait des problèmes à tous ceux qui ont des difficultés d’apprentissage.
Le combat pour la défense des droits des femmes est sérieux, il importe de ne pas le ridiculiser ni de le dévaloriser en se trompant de cible.   

Notes et sources

(1) La défense de la langue  française : un enjeu de souveraineté
https://www.ms21.org/affiche-article_172.html

(2) https://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rapport_de_la_commission_detude_sur_la_communication_institutionnelle_definitif.pdf

(3) http://courriel-languefrancaise.com/

Sources :

* RTS , l’invité de Romain Clivaz
* Académie Française
* Tribune rédigée par les linguistes Yana Grinshpun (Sorbonne Nouvelle), Franck Neveu (Sorbonne Université), François Rastier (CNRS), Jean Szlamowicz (Université de Bourgogne) : Une "écriture excluante" qui "s’impose par la propagande" : 32 linguistes listent les défauts de l’écriture inclusive.
Publiée le 18/09/2020 à 19:09
*Yves Charles Zarka : "L’écriture inclusive détruit la langue française en tant que telle"    Entretien paru dans le journal « Marianne » le 03/09/2021 à 12:38

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