Quelle est l'influence des néo-nazis en Ukraine ?

Pour « justifier » son agression contre l’Ukraine, V. Poutine a déclaré vouloir la « démilitariser » et la « dénazifier » ce qui a déclenché de vives protestations de toute part : l’Ukraine n’est pas un pays nazi , preuve en est que le parti Svoboda ultra nationaliste et fasciste n’a récolté que 2,15 % des voix aux élections législatives de juillet 2019. Autre preuve : le Président Zelensky est juif, il ne pourrait donc ni soutenir ni tolérer des nazis dans son pays. Faut-il croire ces arguments ? Il y aurait une dizaine de régiments et bataillons néonazis dans l’armée ukrainienne. Qu’en est-il exactement ?

Le coup d’état de Maïdan ( 2014)

 Des manifestations en faveur d’un rapprochement avec l’Europe, au départ composées principalement d'étudiants, sont organisées à Kiev sur la place de l’Indépendance (Maïdan en ukrainien). Elles sont rapidement infiltrées, entretenues puis dirigées par les partis d’extrême droite et financées par Washington. Le Sénateur républicain John Mc Cain et son homologue démocrate Chris Murphy prennent la parole devant les manifestants et rencontrent les chefs de l'opposition, y compris le chef du parti Svoboda. « Nous sommes ici pour soutenir votre juste cause, le droit souverain de l'Ukraine à choisir son propre destin librement et en toute indépendance. Et le destin que vous souhaitez se trouve en Europe » a déclaré Mc Cain le 14 décembre 2013. La diplomate américaine, Victoria Nuland est venue distribuer des petits pains aux manifestants et plus tard, elle avouera que la préparation puis le soutien de ces insurrections ont coûté 5 milliards de dollars au trésor états-unien. Après plusieurs mois d’affrontements meurtriers, le Président Ianoukovytch, pourtant démocratiquement élu en 2010, est destitué par la Rada ( le parlement) et un gouvernement de transition est mis en place où  siègeront quatre ministres fascistes.

Stepan Bandera élevé au rang de héros national

Après sa déroute électorale en 2010 ( où il a obtienu 5% des voix), le Président Iouchtchenko a lancé une véritable bombe dans l'arène politique en honorant Stepan Bandera, le nationaliste ukrainien et collaborateur des nazis, comme un " Héros de l'Ukraine ". Et depuis 2015, chaque année, le 1er janvier à la nuit tombée, des centaines de personnes se rassemblent pour une procession aux flambeaux dans les rues de Kiev, en l'honneur de la naissance de ce leader de l'Organisation des nationalistes ukrainiens dans les années 1930-1950. Stepan Bandera reste un personnage controversé en Ukraine : célébré comme un héros national par beaucoup, il est honni par les rebelles pro-russes de l'est du pays qui, à l'instar de Moscou, le considèrent comme un collaborateur nazi.

Zelensky s’exprime au sujet de Stépan Bandera, fondateur de l’OUN⁽¹⁾ responsable du massacre de millions de juifs : « c’est un héros pour un certain pourcentage d’Ukrainiens, et c’est normal, c’est cool ! »

Le fondateur d’AZOV : Andreï Biletski

Né en 1979, Biletsky a suivi un parcours universitaire comme étudiant en histoire. Il a particulièrement travaillé sur une thèse consacrée à l’armée ukrainienne de collaboration avec l’Allemagne nazie,l’UPA(2) arborant le drapeau noir et rouge et le trident ultranationaliste. Rappelons qu’elle se signala par les massacres abominables de l’été 1944, en Volhynie (entre 80 000  et 200 000 Polonais massacrés).Il va défendre la cause serbe contre le Kosovo, non pas par solidarité slave, mais pour « défendre la suprématie de la race blanche » et contre « l’islamisation de l’Europe ». Il ne tarda pas à s’inscrire au Parti National-Socialiste Ukrainien en 2003, renommé maintenant Svoboda . En plus de la suprématie de la race blanche, Biletsky affirmait défendre l’Occident, vouloir la destruction de la démocratie en Europe, la destruction du capitalisme et de « l’internationale-sioniste », qui serait remplacée par la « Nazocratie ». Le déclenchement de l’opération du Maïdan par la CIA américaine, lui permet de sortir enfin de l’ombre et des sinistres agitations néonazies. Très en vu, il prend sa carte de membre dans le parti ultranationaliste et néonazi Pravy Sektor , est nommé à la tête des régions de Kharkov, Donetsk, Lougansk et Poltava (12 mars 2014) et obtient un poste important dans le Ministère de l’Intérieur ukrainien, avec des pouvoirs étendus sous la présidence de Porochenko. Celui-ci élu le 7 juin 2014, farouchement anti-russe, soutient l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, prône l’extermination des séparatistes pro-russe du Donbass.

(lien vidéo : https://twitter.com/i/status/1500186633563299843 )

Le régiment AZOV devenu le Bataillon AZOV

Cette unité paramilitaire a été intégrée à la garde nationale en novembre 2014 pour prêter main-forte à l’armée ukrainienne qui se battait dans le Donbass contre les insurgés pro-russes depuis avril 2014. Selon Kiev, les hommes du bataillon Azov sont des héros qui ont résisté à l’envahisseur russe pendant des semaines dans la ville de Marioupol. On peut être sceptique quant à la loyauté des combattants du bataillon Azov, lorsque l’on entend la déclaration de l’un d’eux : « Lorsque nous en aurons fini avec les pro-russes, nous retournerons à Kiev pour y mettre de l’ordre ». Un rapport d’Amnesty International dénonce que les paramilitaires pro-européens, dont ceux du bataillon Azov, commettent des crimes de guerre en exécutant des otages et des prisonniers pro-russes en les décapitant. Ils ont utilisé les habitants de la ville comme boucliers humains, leur interdisant de sortir des sous-sol où ils s’étaient réfugiés. Les militaires russes ont repris la ville de Marioupol après des semaines de siège et de bombardements. Le 20 mai 2022, les derniers combattants du bataillon Azov et de l’armée ukrainienne retranchés dans les sous-sol de l’usine Azovstal se sont rendus. La ville est maintenant entièrement aux mains de la Russie.

Pravy Sektor ( Secteur droit ) : parti politique et groupe paramilitaire

L’Euro Maïdan de février 2014 a divisé Odessa en deux courants anti et pro-Maïdan. Les tensions ont conduit au drame du 2 mai 2014. Lors d’un match de football, de nombreux hooligans, membres de Pravy Sektor, ont infiltré les rangs des supporters et provoqué les militants anti-Maïdan regroupés devant la Maison des Syndicats qui, pour échapper aux violences, vont se réfugier à l’intérieur du bâtiment où les fascistes mettent le feu. On déplore une cinquantaine de morts et des centaines de blessés. Les auteurs de ce massacre n’ont pas été inquiétés. Pas d’enquêtes en cours. L’Europe et ses dirigeants si prompts à défendre les droits de l’homme, que font-ils pour les victimes d’Odessa ? demande une rescapée.

Cette année, 2022, la municipalité d’Odessa a institué un couvre-feu de 24 h du 1^er au 3 mai pour empêcher toute commémoration du drame du 2 mai 2014. Il est évident que le gouvernement ukrainien veuille à tout prix faire oublier cet événement, le rayer de l’histoire car déjà en 2015 nous avons publié le témoignage de quatre camarades qui ont voulu se rendre à Odessa pour honorer la mémoire des victimes (3). Le richissime homme d’affaires Igor Kolomoïsky finance le parti nazi Pravy Sektor et des milices fascistes, les milliardaires soutiennent pleinement les forces d’extrême-droite.

Svoboda, ex parti national-socialiste d’Ukraine

Svoboda signifie Liberté. Ce parti fondé en 1991 a utilisé divers logos, le premier est dérivé du Wolfsangel allemand qui est le symbole de différentes organisations d’extrême-droite et nazies notamment la 2è division SS Das Reich, responsable du massacre d’Oradour-sur-Glane.

Cofondé par Oleh Tyahnybok et Andriy Paroubiy, ce parti est reconnu et enregistré en 1995. L'organisation paramilitaire Patriotes d’Ukraine le rejoint en 1999, celle-ci a souvent été pointée du doigt pour la glorification du passé collaborationniste d'une partie du peuple ukrainien avec l'Allemagne nazie. Dans une optique de respectabilité, en 2004, le parti change de nom et de logo et, en 2007, annonce dissoudre les « Patriotes d’Ukraine ». Très actif lors de l’Euro Maïdan, le chef du parti Oleh Tyahnybok rencontre John Mc Cain venu soutenir la rébellion. Lors des élections législatives de 2012, Svoboda remporte 37 sièges, mais il n’obtient que 4,7 % des voix aux élections suivantes avec 6 députés, puis en 2019, il ne leur reste qu’un seul député.

La "Gestapo" ukrainienne : le bataillon Aïdar

Il a commencé comme un bataillon de volontaires dans la lutte contre les séparatistes du Donbass, et pendant des années, il s’est consacré aux vols, aux viols, aux enlèvements et à la torture. Maintenant ce groupe fait partie de l’armée ukrainienne : c’est le 24è bataillon d’assaut, connu sous le nom d’Aïdar, groupe néo-nazi pour lequel les lois n’existent pas. « Si je veux, je peux vous arrêter ici, vous mettre un sac sur la tête et vous enfermer dans un sous-sol pendant 30 jours parce que l’on vous soupçonne d’aider les séparatistes » a déclaré le commandant du bataillon Aïdar à un représentant d’Amnesty International. Les néo-nazis imposent leur volonté au gouvernement et sont craints par la police.

Les livraisons d’armes à l’Ukraine : personne ne sait où elles vont atterrir !

Inonder l’Ukraine d’armes est extrêmement dangereux. Une partie (ou la totalité ?) va tomber entre les mains de ces nombreux groupes paramilitaires. Les pays occidentaux n’ont aucun moyen de suivre les armes qu’ils envoient et de savoir où elles aboutissent. En mars dernier, un haut responsable militaire américain a déclaré à la chaîne Al Jazeera : « nous pensons que le risque vaut la peine d’être pris maintenant ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé dès le début de la guerre qu’il donnerait des armes à toute personne désireuse de se battre, ce qui laisse supposer une attitude peu regardante sur la destination de ces armes !

Souvenons-nous de ce qu’est devenu l’énorme stock d’armes de Kadhafi après sa chute : il a alimenté la violence et armé les terroristes d’AL-QAIDA au Maghreb Islamique. Rappelons aussi la déclaration de Zbigniew Brzezinski, conseiller de Jimmy Carter : « Oui, la CIA est entrée en Afghanistan avant les Russes »(4) . Les Etats-Unis ont armé et entraîné les moudjahidine afghans, opposants au régime pro-soviétique de Kaboul. L’URSS s’est embourbé pendant 10 ans dans une guerre inutile qui a accéléré sa chute et les Etats-Unis sont restés en Afghanistan jusqu’en 2021. Le bilan est désastreux sur le plan humain et politique avec le retour des Talibans. Question à Brzezinski : « Vous ne regrettez rien? » Réponse : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? ». Déjà en 1997, dans son livre « Le Grand échiquier » il explique que l'Ukraine est un pivot géopolitique qu'il faut faire basculer dans le camp occidental afin de déstabiliser le régime de Poutine et empêcher la Russie de recouvrer un jour le statut de deuxième puissance mondiale. L'instrumentalisation des « Révolutions de couleurs » n'avait pas d'autre objectif que de renforcer la présence de l'OTAN dans la région pour contenir l'influence de la Russie.

La guerre actuelle a ses racines bien antérieurement à l’entrée de l’armée russe en Ukraine le 24 février 2022.

Zelensky, qui est-il ?

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le président Volodymyr Zelensky est adulé en Occident, jusqu’à récolter des « standing ovations » partout où il intervient : dans les parlements de l’Union européenne, au concours de l’eurovision où très opportunément l’Ukraine a remporté le premier prix (!), au festival de Cannes ...

Ancien acteur humoriste, promettant d’apporter la paix et de combattre la corruption, il est élu Président de l’Ukraine en 2019 par plus de 70% des voix. Cependant, à la veille de l’invasion, sa cote de popularité est tombée à 23 % parce qu’il a poursuivi des politiques profondément impopulaires. Il a entrepris des réformes néolibérales : privatisation des terres et des biens publics, déréglementation des conditions de travail, réduction du pouvoir des syndicats, augmentation des tarifs des services publics… et les gens ont réalisé qu’ils avaient été dupés une fois de plus. Le 19 mai 2021, son gouvernement a approuvé un plan d’action pour la promotion de la langue ukrainienne dans toutes les sphères de la vie publique, un plan strictement conforme à la loi linguistique de Porochenko, pour le plus grand plaisir des nationalistes et la consternation des russophones. La guerre l’a propulsé au devant de la scène mondiale, il est acclamé comme un héros, un chef de guerre faisant courageusement face à l’ennemi. Il paraît à la télévision toujours habillé de vêtements couleur kaki, comme prêt à aller au front !

Sachant l’importance des médias dans son ascension politique, Zelensky entreprend leur contrôle.Début février 2021, les trois premières chaînes de télévision d’opposition ( NewsOne, Zik et 112 Ukraine ) ont été fermées. Une autre chaîne d’opposition, Nash, a été interdite au début de 2022, avant le début de la guerre. Après le déclenchement du conflit, en mars, des dizaines de journalistes indépendants, de blogueurs et d’analystes ont été arrêtés. En outre, Zelensky a signé un décret obligeant toutes les chaînes ukrainiennes à diffuser un programme unique, présentant le seul point de vue pro-gouvernemental sur la guerre. Ses opposants politiques sont arrêtés, 11 partis d’opposition interdits en mars 2022, dont le parti communiste.

Pourquoi Zelensky a-t-il fait volte-face en faveur du nationalisme alors que les gens espéraient qu’il poursuivrait une politique de réconciliation ?

Les radicaux, ultra-nationalistes, bien que représentant une minorité de la population ukrainienne, n’hésitent pas à utiliser la force contre les politiciens, les tribunaux, les forces de l’ordre, les journalistes, etc. Ils ont des armes et sont organisés. Ils contrôlent le processus politique en Ukraine par la violence contre ceux qui osent s’opposer à leurs programmes nationalistes et suprématistes. Les para-militaires néonazis ont été intégrés dans l’armée et ils ont instillé leurs idées nauséabondes dans la tête des soldats. Ils poussent leur gouvernement à continuer la guerre, bloquant toute négociation de paix.

Notes :

(1) OUN : Organisation des nationalistes ukrainiens fondée en 1929. Beaucoup des membres de l'OUN sont des agents nazis. Couleurs du drapeau : rouge et noir

(2) UPA : Armée insurectionnelle ukrainienne , c’est la branche militaire de l’OUN . Son principal objectif était de mettre en place un état ukrainien indépendant de l'URSS.

(3) Que se passe-t-il en Ukraine? Témoignage de quatre Français :

https://www.ms21.org/affiche-article_95.html

(4) lire l’interview de Brzezinski à l’OBS en 1998

https://www.ms21.org/affiche-article_164.html

Sources : * Wikipedia * Le Grand soir * Sud Radio

* L’universitaire ukrainienne Olga Baysha, auteur de Democracy, Populism, and Neoliberalism in Ukraine : On the Fringes of the Virtual and the Real

* Film de Anne-Laure Bonnel : Donbass.

Extrait : https://twitter.com/i/status/1500186633563299843

Film complet : https://www.youtube.com/watch?v=j04-wtsA8Hg