Le Rassemblement National est-il le seul grand parti à défendre la souveraineté nationale ?

Publié le par MS21

Le Rassemblement National  est-il le seul grand parti à défendre la souveraineté nationale ?

Le grand revirement idéologique du FN après le référendum de Maastricht

Le RN, anciennement Front National (FN) , a été fondé en 1972 en vue de rassembler les diverses tendances de l'extrême-droite (nationalistes, royalistes...). Il reste un mouvement confidentiel jusque dans les années 80 où il amorce une percée électorale et une progression continue jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'en 1992, et le référendum sur le traité de Maastricht, le FN est plutôt favorable à la construction européenne, la CEE étant perçue comme un rempart contre le communisme honni. En 1988 encore, Jean-Marie Le Pen réclame « la construction d’une Europe politique, économique et militaire » (1). Il écrit encore la même année : « Économie. Moins d’impôts, moins de bureaucratie. Pour une adaptation de notre économie à l’échéance européenne de 1992 par une réduction des charges fiscales et sociales (taxe professionnelle notamment) qui pénalisent les entreprises françaises face à leurs concurrentes étrangères et par une remise en cause de l’impôt sur le revenu qui décourage l’activité et l’initiative économiques. Comment ? En imposant une cure d’amaigrissement à l’État. » (1). En ce temps-là Jean-Marie Le Pen était atlantiste et se réclamait de Reagan.

Après Maastricht, et les premiers succès électoraux, le FN sent le vent tourner. Le bloc de l'Est s'est effondré, la voie est ouverte vers la contestation de la CEE, puis de l'UE. En vue du référendum de 1992, le FN écrit : « L’Europe de Maastricht, c’est l’Europe cosmopolite et mondialiste. Maastricht, c’est l’immigration massive… Maastricht, c’est encore plus d’insécurité… Maastricht, c’est le droit de vote des immigrés… Maastricht, c’est encore plus d’impôts… c’est la ruine de l’agriculture française… c’est la dictature des multinationales… c’est la disparition du franc au profit d’une monnaie unique… Parce que nous ne voulons pas d’une Europe des banquiers, non à Maastricht.» (1), ou encore : « Le traité de Maastricht, c’est la précarité. On rationne notre Sécurité sociale. On ferme nombre de services publics, commissariats, maternités ou services hospitaliers. En même temps, notre monnaie, le franc, est remplacé par l’euro.» (1). Face à cela, la gauche et le PCF en particulier a abandonné sa critique radicale de l'UE, au moins jusqu'au référendum sur le TCE, abandonnant ce rôle au FN. La FI qui avait repris cette thématique de défense de la souveraineté nationale en 2017, et avait proposé la tactique du « plan A plan B » concernant son opposition à l'UE, a malheureusement abandonné cet objectif en 2022.

Les positions actuelles du RN semblent aller dans un sens souverainiste authentique

Marine Le Pen propose de substituer à l'UE une « Alliance européenne des Nations » (2) Dans ce but, elle veut organiser un référendum pour modifier la Constitution afin de permettre « à la France de concilier son engagement européen avec la préservation de sa souveraineté et avec la défense de ses intérêts .»(2) La Constitution devra prévaloir « sur le droit international. Dès lors que ce principe sera établi, (…) les juges français ne pourront plus invoquer les stipulations de traités ou d’accords internationaux contraires à la Constitution». (2)

Le RN veut rétablir les contrôles des personnes aux frontières en renégociant les accords de Schengen. Il s'oppose aussi à la libre circulation des marchandises au sein de l'UE, car « seuls les contrôles aux frontières peuvent s’assurer de la conformité des marchandises qui sont destinées au marché français ». (2) Le RN veut aussi supprimer le travail détaché, établir une « priorité nationale» dans les marchés publics.

Sur le plan géopolitique, le RN affirme « Dans le monde multipolaire qui nous entoure, le rôle de la France demeure particulier, à la mesure de la place que l’histoire et la géographie lui assignent mais aussi grâce à notre statut de membre permanent du Conseil de Sécurité, qui ne doit sous aucun prétexte être partagé. Elle doit redevenir une grande nation indépendante et sa politique extérieure doit, à mes yeux, être guidée avant tout par la défense de nos intérêts ». (3) La France doit se retirer du commandement intégré de l'OTAN.

Un État stratège doit être mis en place pour « réorienter notre économie vers le principe du localisme et du patriotisme économique » (3). Un Fonds Souverain drainant l'épargne des français « sera destiné à l’investissement, dans l’économie française bien sûr, mais également dans des actifs stratégiques pour la souveraineté de la France à l’étranger, comme les matières premières énergétiques » (3). Marine Le Pen veut sortir du marché européen de l'énergie et revenir aux prix réglementés du gaz et de l'électricité.

Les autres déclarations qui font douter de la bonne foi souverainiste du RN

Un grand nombre de ces mesures souverainistes définies par le RN se heurteront bien sûr au droit européen. En 2017, Marine Le Pen proposait un référendum sur la sortie de l'UE. La sortie de l'euro et de l'espace Schengen étaient également envisagés. En 2022, il n'en est plus question. Il est certes, stratégiquement périlleux de tout miser sur un Frexit. Faut-il pour autant se lier les mains en excluant toute sortie de l'UE et de l'euro ?

La recherche d'honorabilité et de respectabilité au niveau de nos élites amène le RN à revoir son programme dans un sens moins souverainiste et plus libéral sur le plan économique. Ainsi sur la question de la dette, capitale dans la reprise de notre souveraineté, Marine Le Pen est prête à lâcher sur l'essentiel. Dans un entretien sur le thème de la dette au journal l'Opinion elle déclare : « Une dette doit être remboursée. Il y a là un aspect moral essentiel. A partir du moment où un Etat souverain fait appel à une source de financement extérieure, sa parole est d’airain. Il s’organise pour rembourser sa dette contre vents et marées ». (4) Rester dépendant des marchés financiers pour établir les ressources de nos politiques publiques nuit gravement à notre souveraineté !

Pour rassurer ces marchés financiers le RN a renoncé à de nombreuses mesures sociales prévues dans les programmes précédents (retraite à 60 ans, relèvement du taux d’imposition sur les sociétés, élargissement de l’assiette des retraites aux revenus du capital). Ces mesures sont remplacés par des mesures libérales : nouvelles exonération de « charges » pour les entreprises, « exonérer d’impôt sur le revenu tous les jeunes actifs jusqu’à 30 ans pour qu’ils restent en France et fondent leur famille chez nous » « Supprimer l’impôt sur les sociétés pour les entrepreneurs de moins de 30 ans pendant les 5 premières années pour éviter leur départ à l’étranger », « Exonérer les donations des parents mais aussi des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants jusqu’à 100 000€ par enfant tous les dix ans », « Supprimer la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) qui pénalise les PME-TPE locales et les impôts de production qui nuisent à la relocalisation. » (5)

Ces mesures coexistent dans le programme du RN avec des mesures plus sociales (protectionnisme, plan d'urgence pour la santé, création d'un impôt sur la fortune financière, réindexation des salaires sur l'inflation, minimum vieillesse à 1 000 € par mois...) dans un ensemble hétéroclite qui cherche à ménager la chèvre du pouvoir financier avec le chou des aspirations populaires.

De telles contradictions laissent penser qu’il s’agit là d’un souverainisme de façade.

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