Migrations

Publié le par MS21

Peinture de Michel Picard

Peinture de Michel Picard

Le MS21 a déjà publié deux textes sur ce sujet : le premier le 22 avril 2015 « Naufrages en Méditerranée » le deuxième le 15 juin 2016 : « La crise migratoire » (les liens sont à la fin de cet article) .

Les problèmes liés à l’immigration n’ayant pas reçu les bonnes réponses, les agressions et les conflits perdurent. Les exemples sont hélas trop nombreux : récemment, une crise diplomatique a surgi entre la France et l’Italie concernant le bateau « Océan Viking »(1) et l’’horrible assassinat de la petite Lola commis par une jeune femme d’origine maghrébine qui faisait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) a donné lieu à une récupération politicienne de l’extrême droite en établissant un lien immigration-délinquance.

Il nous a semblé nécessaire de relancer une réflexion sur les problèmes liés aux migrations.

1- Dégringolade des partis de “gauche” en Europe et montée des extrêmes-droites

Déroute du parti de gauche Die Linke en Allemagne en octobre 2020, défaite de Podemos à Madrid entraînant le retrait de Pablo Iglésias de la vie politique, effondrement du PS en France …cela  s’explique par les promesses non tenues.

Arrivée de 89 députés du Rassemblement National à l’assemblée nationale française, élection en Espagne de 24 députés du parti néo-franquiste Vox en avril 2019, Giorgia Meloni admiratrice de Mussolini cheffe du gouvernement italien, gouvernements de droite-extrême en Pologne et en Hongrie : ces situations sont très préoccupantes... Pourquoi les classes populaires ne votent-elles plus ou, lorsqu’elles se rendent aux urnes, sont-elles enclines à donner leur voix à des partis  d’extrême-droite xénophobe ?

2- Les partis de droite sont pour la migration et contre les immigrés

Les capitalistes adorent l’immigration qui joue un rôle fondamental dans la constitution d’une « armée industrielle de réserve ». Elle permet de faire pression sur les salaires, de diviser la classe ouvrière et d’organiser une gestion mondialisée de la main-d’œuvre. L’agriculture de cueillette en Italie du Sud, en Espagne et partiellement en France vit de l’immigration plus ou moins clandestine ; l’Allemagne, pays où la pénurie de main-d'œuvre est patente, a accueilli un million de réfugiés Syriens suite à la guerre ravageant leur pays. Beaucoup d’immigrés sont prêts à travailler pour des salaires de misère que refusent les travailleurs nationaux dans les emplois les plus pénibles et les plus mal payés. Et combien de jeunes immigrés ubérisés - et sans papiers -  pédalent pendant des heures pour quelques euros par jour ? Cette migration du Sud vers le Nord alimente les très florissants réseaux de passeurs et vide les pays pauvres de leurs jeunes les plus solides et les mieux éduqués.

Bernard Stasi a écrit en 1985 un livre intitulé : « L’immigration, une chance pour la France » . Exact : mais c’est surtout une chance pour la France des capitalistes (et une malchance pour la France des ouvriers, des travailleurs des villes et des campagnes). Dans les hôpitaux publics ou privés sont embauchés, avec des salaires réduits, des aides-soignants, des infirmières, des médecins venant de pays où ils seraient bien utiles à leurs concitoyens. Dans l'industrie, les patrons embauchent des migrants ingénieurs, chercheurs, techniciens… On assiste à une fuite des cerveaux bloquant le développement de pays comme la Tunisie, le Maroc, la Syrie, etc. La migration d’une population qualifiée est largement acceptée, même si ces migrants sont en situation irrégulière. Acceptée et même encouragée, car rien de tel qu'une nouvelle migration pour fragiliser la condition de la vague précédente et en poursuivre la sur-exploitation !

Mais la classe bourgeoise gère difficilement cette contradiction : encourager une certaine migration tout en stigmatisant les immigrés assimilés à des délinquants, des voleurs, des trafiquants de drogues … Pour surmonter cette difficulté le gouvernement a mis en œuvre en 2006 une « immigration choisie » (2) inspirée de lois existant depuis longtemps au Canada, en Australie… : « Une immigration choisie pour une intégration réussie » ….Est-ce une bonne solution ? Trier les gens semble plutôt inhumain, non ?

3- Les migrants sont plus ou moins bien acceptés par les classes populaires

La plupart des migrants qui viennent en Europe, c’est sinon pour devenir riches, au moins pour vivre mieux que dans leur propre pays. Ce sont des « migrants économiques ». Ils ne s'intègrent pas spontanément au prolétariat, n’adhèrent pas à un syndicat, ne font pas grève de peur de perdre leur emploi, peur d’être expulsés … Ils ne s’intégreront au prolétariat qu’au bout d’un certain temps, - ou peut-être jamais - lorsqu’ils auront compris qu’ils ne sont pas arrivés dans un paradis, lorsqu’ils auront perdu leurs illusions. Ces migrants manipulés par leur patron sont plutôt un frein à l’amélioration de la condition ouvrière. Cependant ils ne proviennent pas des couches les plus pauvres de leur pays d'origine. Ils ont dû payer cher, parfois très cher, leurs passeurs ; leurs parcours sont semés d’embûches et ils sont la proie des escrocs, des raquetteurs. Souvent ils doivent s’endetter pour réunir l’argent nécessaire et il leur faudra le rembourser donc accepter n’importe quel travail à n’importe quel prix. Ceux qui veulent migrer légalement payent aussi très cher leur passeport, leur visa, leurs billets de transport.

Toute organisation politique qui prétend défendre la classe ouvrière, sans distinction ethnique, doit reprendre le contrôle  des flux migratoires pour éviter qu’ils ne se fassent que dans l'intérêt des capitalistes. 

4- Les demandeurs d’asile (immigration humanitaire / réfugiés / asile politique)

Les mouvements migratoires ont existé, existent et existeront toujours. Le nombre de migrants a représenté 3,6 % de la population mondiale en 2020 pour atteindre 281 millions de personnes, explique l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Les étrangers entrés en France de manière légale ou irrégulière ont la possibilité de déposer une demande d’asile auprès de la préfecture de leur résidence. Chaque année environ 150 000 demandes d’asile sont enregistrées en France (contre 30 000 en Grande-Bretagne). Les demandeurs remplissent un dossier qui sera examiné par l’OFPRA ( Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). En attendant d’être auditionné par cet office, le demandeur reçoit un récipissé valable 3 mois qui constitue une autorisation provisoire de séjour mais n’autorise pas à travailler. Cette interdiction les incite à travailler au noir. Ils peuvent recevoir des aides (3) mais encore faut-il qu’ils sachent où et comment les demander ! Trop souvent ils ne trouvent pas à se loger et campent dans la rue, ne recevant d’aides que des associations caritatives. Ces milliers de migrants que l’on voit sous les échangeurs d’autoroutes de la région parisienne, sous les lignes du métro aérien ou dans les environs de Calais(4) en attente d’un passage en Angleterre sont une honte pour la France. Il faut mettre fin à ce scandale.

5- Les classes populaires et les classes moyennes se sentent menacées 

En 2020, selon l'Insee, la population étrangère vivant en France s'élève à 5,1 millions de personnes qui représentent 7,6 % de la population totale. Au vu de ces chiffres peut-on parler d’un envahissement comme le dit Éric Zemmour, alors que la majorité de ces personnes d’origine étrangère est parfaitement intégrée ? S’il existe ici et là des conflits de voisinage, ils sont le résultat d’un manque de civisme et d’éducation et ne sont pas liés ni à la « race », ni à la nationalité. Un apprentissage obligatoire de la langue française doit pouvoir favoriser le dialogue et apaiser les malentendus. Il faut mettre fin à cet amalgame migrants-étrangers-délinquance que colportent les Zemmour, Le Pen et consorts...

6- Que faire ?

Le problème est complexe et nous n’allons pas épuiser le sujet aujourd’hui . Voici quelques idées :

* Régulariser tous les étrangers sans-papiers qui résident en France, parlent français, travaillent, ont des enfants scolarisés, afin de favoriser leur intégration.

* Accueillir dignement les personnes qui attendent la réponse de l’OFPRA à leur demande d’asile. Raccourcir les délais d’attente parfois longs, trop longs. Leur accorder le droit de travailler puisque dans certains secteurs on manque de bras (restauration, conducteurs de bus, de métro, de train...)

* Accueillir avec bienveillance les étudiants, les chercheurs, les artistes en leur accordant des titres de séjour renouvelables. Exiger des étudiants qu’ils rentrent dans leur pays d’origine à la fin de leur formation car leur pays a besoin d’eux.

* Accorder l’asile aux personnes en danger dans leur pays d’origine, aux réfugiés politiques. Le droit d’asile a beaucoup évolué et évoluera encore suite aux dérèglements climatiques. Seules 34,4 % des demandes du statut de réfugié ont été accordées par la France en 2020.

* Reconduire sans violence dans leur pays d’origine ceux qui sont déboutés du droit d’asile car une majorité des déboutés restent en France et deviennent des clandestins.  Seulement 15 950 étrangers en situation irrégulière ont quitté le territoire français en 2020, cette situation est due en partie au refus des pays d’origine d’accueillir leurs ressortissants. 

* Contrôler les flux d’immigrés économiques.

* Contrôler le regroupement familial en remontant le seuil des critères (logement, ressources financières...)

* Et surtout éradiquer les causes de l’immigration économique qui est largement le fruit de l'exploitation économique des pays du Sud par les oligarchies des pays du Nord. Les politiques de libre-échange torpillent un réel développement de ces pays parce qu'elles détruisent leur agriculture vivrière et empêchent l'émergence d'industries locales. La souveraineté économique et alimentaire de ces pays est bafouée. L'immigration prive leur pays d’une main d’œuvre qualifiée qu’ils ont formée et qui pourrait contribuer à leur développement.

* Abolir les règlements “Dublin”, l’espace Schengen, Frontex… Renégocier avec le Royaume Uni l’accord du Touquet qui a fixé en France la frontière avec l’Angleterre.

- Le règlement de Dublin de 2013 prévoit en particulier l’obligation faite aux réfugiés de déposer leur demande d’asile dans le premier pays d’Europe où ils sont entrés. (Difficile d’inventer règlement plus stupide !)

- Dans l’espace Schengen tout individu peut circuler librement.

Un État ne peut rétablir les contrôles à sa frontière qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale, et après consultation des autres États du groupe Schengen.

-Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a été créée en 2004 pour aider les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à protéger les frontières extérieures de l’espace de libre circulation de l’UE. (Entreprise privée financée par l’UE, sous-équipée, nettement inefficace)


 

       Notes

(1) Le bateau « Océan Viking » affrété par l’association caritative SOS Méditerranée, a recueilli 234 naufragés mais il a erré trois semaines avant de pouvoir jeter l’ancre. Aucun port italien ne lui a donné l’autorisation d’accoster au mépris du droit maritime et du droit européen alors que nombre de personnes avaient un urgent besoin de soins médicaux et que l’eau et la nourriture commençaient à manquer. Finalement la France a permis au bateau d’accoster dans le port militaire de Toulon.

(2) L'immigration choisie s'oppose à une immigration subie, comme l'avait affirmé en France un projet de loi de Nicolas Sarkozy.

(3) L’Allocation pour Demandeur d’Asile (ADA) Le montant journalier de l’ADA varie selon la composition du foyer du bénéficiaire, mais aussi en fonction de ses conditions d’hébergement. Une personne seule aura 6,80 € par jour ou 14,20€ s’il n’est pas logé gratuitement. Il s’agit d’une aide versée mensuellement.

(4) Pourquoi veulent-ils tous aller en Angleterre ?

Ils choisissent ce pays non parce qu'ils y seraient plus libres et mieux protégés, mais parce qu'il y a là-bas une forte demande de main d'œuvre bon marché, très peu de contrôles une fois la frontière passée, une grande facilité de régularisation, et parce qu'ils ont en général bénéficié d'une éducation secondaire où ils ont acquis des notions d'anglais.


 

      Liens

Naufrages en Méditerranée : cliquez ici

La crise migratoire : cliquez ICI

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